Le numérique est d’abord un projet politique ! Mais quand va-t-on passer des rapports au projet ?

Entre “challenge de démocratie” pour les territoires, leviers de réduction des inégalités pour des citoyens numériques, et outil de plus grande égalité entre les territoires, les rapports comme les conférences sur les enjeux socio-économiques du numérique se succèdent à un rythme sans doute sans équivalent depuis de longues années. Faut-il comprendre ce « phénomène » comme le signe avant-coureur du lancement d’un grand projet numérique national ? Est-ce au contraire une nouvelle démonstration de la force des hésitations qui agitent des pouvoirs, publics et privés, en déficit de projet ? L’avenir le dira. Une conclusion semble en tout cas définitivement s’imposer. Le chantier numérique national est bien avant tout un projet politique.

C’est d’ailleurs le sens de l’avant-propos de Valérie Peugeot, Vice‐ présidente du Conseil national du numérique, lorsqu’elle affirme que l’objectif principal des politiques numériques consiste à refuser l’accroissement des inégalités et à construire de nouvelles solidarités pour lutter contre « une forme de fatalisme dont on constate les ravages politiques ». C’est aussi, par exemple, l’esprit du rapport signé par Claudy Lebreton lorsqu’il présente le principal défi qui concerne « la manière dont nous saurons nous saisir de l’outil numérique dans sa capacité à métamorphoser notre système.»

Quand va-t-on passer des rapports au projet ?

L’un des enjeux majeurs des politiques numériques publiques consiste donc bien à inventer une nouvelle manière de faire de la politique, c’est-à-dire schématiquement à utiliser les liens polymorphes qui relient individus, élus et territoires pour co-construire et travailler ensemble. Cette conviction, encore quelque peu iconoclaste voici quelques années, devient désormais un objectif largement partagé. C’est une bonne nouvelle et un formidable chantier. C’est même sans doute l’un de ces rares grands projets à même de pouvoir enfin concilier refondation démocratique, nouvelles constructions socio-économiques et inventions environnementales. Au pire, convenons que c’est au moins une utopie créatrice de quelques-unes de ces dynamiques qui font cruellement faire à notre pays de 2013.

Mais alors si un des enjeux majeurs des politiques numériques publiques consiste bien à expérimenter et à inventer un mode renouvelé d’action politique et de modernisation des services publics, où est la grande loi qui va lancer le chantier ? Où sont les organisations en réseaux à la mesure des dimensions du programme ? Pourquoi ne décide-t-on pas ? Bref, quand va-t-on passer des rapports au projet ?

Il faut bien sûr prendre le temps des études ou des rapports, le temps des débats et le temps des échanges. Mais ne pouvons-nous pas convenir que 2012 et 2013, c’est assez de temps ? Faut-il encore attendre et si oui pourquoi ? Faut-il s’enliser davantage dans ce politique bashing aussi nauséabond qu’improductif ?

2014, l’année des projets ?

Comment comprendre qu’un pouvoir politique qui contrôle notamment l’Etat, l’Assemblée Nationale et le Sénat, l’immense majorité des Conseils Régionaux, 60 départements et nombre de villes ne soit pas capable d’organiser une confédération à la mesure du chantier numérique ? C’est pour beaucoup d’acteurs du domaine totalement incompréhensible. Exaspérant pour certains, démobilisateurs pour d’autres, improductif pour tous !

Espérons donc les armoires à rapports soient désormais suffisamment pleines pour décider. Ici et maintenant.

Complément du 3 12 2013. Cette interview de Valérie Peugeot, précédemmet citée. 

11 commentaires sur “Le numérique est d’abord un projet politique ! Mais quand va-t-on passer des rapports au projet ?

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  1. Si c’est un projet politique, alors il ne peut se penser en dehors de la nécessaire refondation politique que nous espérons tous et il ne pourra pas être cuisiné dans les vieilles casseroles toutes fendues et cabossées qui sont encore en service aujourd’hui.

    Pour autant ce serait une immense illusion que de penser que le numérique (et d’abord qu’est-ce que c’est le numérique sinon un fourre-tout commode) peut être la forge des nouvelles casseroles. Certes il apporte quelques remarquables possibilités d’organisation mais il ne fonde pas une organisation ; cet espoir là et et sa cohorte d’illusions sont derrière nous, bien loin derrière.

    Le cœur de la question est géopolitique. Le charcutage territorial à l’œuvre depuis plus de 30 ans nous a fait perdre toute capacité de lire les forces et les ressources dont nous disposons vraiment in situ. Les administrations communiquent à défaut d’agir en relayant le discours des lobbies de l’industrie et du commerce et en alimentant le press-book de ministres éphémères déjà reconvertis en technico-commerciaux avant même de s’être assis dans leur fauteuil.

    Je suis prêt à parier ma dernière chemise que la métamorphose de notre système ne viendra pas d’un amical commerce avec l’outil numérique mais qu’il se produira lorsque celui aura cessé de nous divertir, de faire diversion.

  2. Difficile de se saisir des outils numériques tant que les diablotins de l’ultralibéralisme chaufferons les poignée au rouge, voire à blanc. Jusqu’aux fins fonds des campagnes obscures …

  3. Malheur à celui qui devient vieux et con : Difficile de se saisir des outils numériques tant que les diablotins de l’ultralibéralisme chaufferont les poignées au rouge, voire à blanc. Jusqu’aux fins fonds des campagnes obscures …

  4. côté diversion, ne ne suis pas bien sûr que le « numérique » soit le 1er coupable… La liste est longue et va du foot au loto en passant, qui sait, par pire encore.

  5. Apocalypse : Le jour où Silicani clamera que l’écosystème est les oripeaux de la vacuité politique du « projet » vous saurez que l’économie de la connaissance est proche.

    Entre temps, Jean-Pierre voit juste : la guerre en drone (nous avons bien connu la guerre en dentelles ! ) montre que le pire est non seulement possible mais probable. Les rapports, type Maurey ou Lebreton, risquent d’apparaître comme d’aimables bluettes concoctées par des innocents de première bourre.

    Le numérique n’est coupable de rien : la faute est de croire qu’il remplacera le beurre : (prédiction) l’algorithmique ne remplacera jamais ni le beurre ni la logique de l’heuristique exhaustive qui régit l’univers depuis l’instant du big-bang.

  6. BONJOUR Mr Jean Pierre
    Merci de m’avoir envoyé votre article
    D’ailleurs je viens de terminer mon rapport de Master1 dont le thème porte sur l’aménagement numérique du territoire au senegal.
    je voudrais savoir si vous avez des projets sur le senegal concernant le numérique car je voudrais intégrer une équipe qui travaille sur la question

    MERCI
    Astou wadji
    étudiante en master 1 a l’UCAD

    Date: Thu, 28 Nov 2013 09:14:56 +0000
    To: astouwadji@hotmail.com

  7. Bonjour Jean-Pierre
    vaste débat, éternelle question …. sur le plan purement local, depuis des années, je lis les mêmes rapports, les mêmes communiqués de presse et je vis les mêmes choses. J’ai changé de département (je voyage hélas beaucoup finalement) et où que j’atterrisse, je me cogne au même problème : le numérique n’est pas entre les bonnes mains (il intéresse tout le monde dans un CG mais reste piloté de façon très administrative, sans créativité, hors sol). Une idée ? un projet structuré, bâti, cohérent ? chic : on le pique et on le met entre les mains de personnes qui ne gèrent que l’esbrouffe… L’essentiel c’est de COMMUNIQUER, n’est-ce pas ? et tout le monde veut « faire » du numérique ; il faut s’afficher !
    Quand les vieilles organisations restent emmurées dans leur rigidité et quand les vieilles méthodes de management viennent encore renforcer les vieux dispositifs, cela ne peut que continuer de produire du papier, des « yaka-faukon », des forums, du brassage de vent. Le problème, c’est le management des idées, des projets et des hommes pour enfin passer de la (belle) parole à la production.
    N’est pas AEC qui veut !! (L’Aquitaine est pour moi, la Région la plus productive et la plus cohérente dans le numérique).

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