Et si l’on transformait le service universel actuel des communications électroniques en service universel des transitions ?

Comme précisé dans un premier article publié à ce sujet en janvier 2023, le projet de ce Web dédié transitions vise à augmenter nos ressources et nos capacités pour concilier décarbonation et invention des modes de vie qui vont avec. En s’inspirant de l’ouvrage de Timothée Parrique (2022), il s’agit donc d’un Web à même de contribuer à une redirection graduelle de l’économie dans laquelle une partie de nos ressources, de notre temps et de nos énergies pourrait être remobilisée partiellement au bénéfice de la société, notamment au profit de solutions à valeur ajoutée sociales et écologiques. Conformément à la Stratégie Bas-Carbone Nationale (SNBC), le but consiste à tendre progressivement vers 2 tonnes de CO2 par an et par personne.

Pour cela, l’une des premières fonctions de ce Web des transitions, consisterait, d’une part, à rendre visible l’invisible de nos émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et, d’autre part, à simplifier nos parcours de contributeurs de la transition. Le prototype esquissé prend la forme d’une plateforme mutualisée de services et d’organisations dont la fonction pourrait ressembler à celle d’une boussole capable de faciliter la découverte des chemins de ce nouveau voyage. Elle permettrait par exemple de personnaliser les parcours de bifurcations en fonction de chaque situation sociale, géographique ou économique.

Il existe nombre de technologies, de talents, de services, de projets qui cherchent à utiliser le Web pour travailler les transitions. Greentech, Tech for good, low tech, ou encore initiatives publiques, leur nombre augmente chaque jour. L’impression qui domine reste toutefois celle d’initiatives trop isolées et finalement assez loin de constituer une réponse à la mesure des enjeux actuels. Une véritable plateforme dédiée transitions resterait donc à inventer. Telle est tout au moins l’hypothèse que je défends. Pour la mettre en discussions, ce troisième article tire les leçons de nos précédentes expérimentations dans ces domaines et esquisse une piste : transformer l’actuel service universel des communications électroniques en service universel des transitions avec pour chacun de nous une identité et parcours individuel personnalisé.

Des services, mais pas de plateforme

De nombreuses ressources en ligne existent déjà. Le site Agir pour la transition, lancé par l’ADEME, propose par exemple un portail de solutions pour un quotidien plus écologique, plus sobre et plus solidaire. Le monde de la Tech est également très productif dans ces domaines. J’ai ainsi bâti une base qui recense plus de 700 entreprises qui travaillent ces enjeux. Sans prétendre à l’exhaustivité, elle permet de qualifier les principaux types de solutions déjà proposées par le monde des technologies. Je n’en rappelle que les principales : réduction de la consommation d’énergie et de ressources carbonées, efficacité et pilotage énergétique, électrification et promotion des énergies renouvelables, mobilités douces, économies circulaires, relocalisation d’une partie de la production et de l’investissement, santé et qualité de vie, formations et, plus largement, capacités à agir collectivement. Ce recensement partiel confirme la vitalité de cette Tech dédiée transitions. La gamme des leviers déjà existants s’avère déjà très importante. Ces leviers sont-ils toutefois à la mesure des enjeux ? Six raisons au moins m’incitent à répondre par la négative.

Un objectif trop vague, insuffisamment quantifié et non personnalisé. L’offre actuelle ne nous donne tout d’abord pas une vision claire, quantifiée et personnalisée de l’ampleur des efforts que chacun doit consentir (personne morale ou physique). Même si nous sommes de plus en plus nombreux à nous déclarer favorable à la cause climatique, peu d’entre nous parviennent à vraiment aligner nos modes de vie à la réalité des ressources planétaires. Th. Libaert (2020) nomme cela un biais d’autocomplaisance ; il explique que ce phénomène a été notamment mis en lumière par les travaux de l’université suédoise de Göteborg. Ceux-ci révèlent notre tendance à survaloriser nos comportements. « En clair, chacun se sent plus respectueux de l’environnement que les autres », résume Th. Libaert. Résultat : la transition reste plus une (bonne) intention qu’un projet véritablement compris, partagé et personnellement engagé.

Une approche en mode silos. Le monde des innovations aborde ensuite ce projet en mode silos : par exemple énergie pour les uns, mobilité ou économie circulaire pour d’autres… Alors que la situation exige une transformation progressive, simple et convergente de l’ensemble de nos comportements, la Tech ne propose que des actions limitées à un volet. Leur impact s’en trouve réduit.

Pas de passerelles. Ce ne serait pas grave s’il existait suffisamment de passerelles entre ces silos pour simplifier et fluidifier nos parcours transitions. La technologie le permet, mais le marché, faute sans doute d’un opérateur global, ne s’en donne pas encore les moyens. Peut-on par exemple proposer pire expérience que celle imposée aujourd’hui aux internautes qui souhaitent écologiser leurs modes de vie ? Il leur faut trouver seuls leurs solutions, se donner les moyens de les tester et de les comparer, jongler avec presque autant de connecteurs que d’entreprises, attendre que les volumes usagers soient suffisants pour faire effet. Les moyens de mutualisation ou de valorisation, par exemple de données, demeurent en outre anecdotiques ; cela réduit grandement les moyens de personnalisation des services et le passage à la grande échelle. Bref, on ne s’y prendrait pas autrement si l’on voulait, une fois encore, laisser à d’autres, dans quelques valleys par-delà les mers, le soin d’agir à la place de l’Europe ou de la France.

Un taux élevé d’exclus. Plus pénalisant encore, nombre de personnes restent de fait exclues de ces dispositifs. Fractures sociales, analphabétisme numérique, zones non ou mal desservies en matière d’accès Internet, dénis des enjeux climatiques, si les raisons s’avèrent diverses, elles convergent toutes vers un constat récurrent à chaque tentative de réforme. Écotaxe comme mouvement des Gilets Jaunes démontrent l’impérieuse obligation d’inventer une solution qui permet facilement au plus grand nombre possible d’entre-nous de comprendre nos intérêts, de trouver notre place et de nous mouvoir facilement dans ce vaste chantier transition. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Pas encore assez d’incitations, de jeux, et de mise en valeur des citoyens engagés dans les transitions. Même si la gamification prend progressivement une place accrue, tout ou presque reste à faire pour rendre amusant les chalenges des bifurcations. Où est le Pokémon GO de la transition ? Où sont les défis pour nous transformer en compétiteurs, par exemple du plus grand réducteur d’énergies carbonées, du champion du covoiturage ou des sportives de haut niveau de la mutualisation de matériels ? Qui peut encore croire qu’il est possible d’avancer sans un peu de plaisir ?

L’inverse du Living Lab Web transitions dont nous aurions besoin. Dernier point, la situation actuelle ne permet guère de réduire le poids des barrières à l’entrée pour donner aux innovateurs les moyens d’accélérer leurs recherche-développement et d’augmenter l’impact de leurs offres. Dans mes expérimentations, j’ai par exemple toujours proposé d’ouvrir gratuitement nos plateformes, comme celle décrite à Pau, à toutes les organisations qui voulaient tester leurs solutions et les coconstruire avec de vrais usagers. Mais « mes » expérimentations ne concernent au mieux que quelques centaines de personnes… Imaginez la force de cette Start-up Nation, dont on nous a un temps vaguement parlé, fonctionnant comme un pays réuni autour de la mise au point de solutions transitions ! Je suis sûr de ne pas être le seul à croire aux immenses potentialités d’un pareil laboratoire vivant.

Au final, le paysage actuel des innovations numériques dédiées transitions socioécologiques présente un véritable potentiel ; en l’état il ne semble toutefois pas en mesure de transformer notre pays en inventeurs des droits de la transition, un volet pourtant à associer de plus en plus aux droits de l’homme dont nous serions la mère patrie. Gilles Babinet (2016) le rappelle : « la radicalité de la transformation digitale peut se résumer en un seul principe : les entreprises, quelles qu’elles soient, on vocation à devenir des plateformes. C’est-à-dire à être au cœur des interactions qui leur permettent de remplir leur mission au mieux ». Or ce sont justement ces interactions, ces nouveaux modes de coopérations ou encore, par exemple, ces alliances qui restent à inventer pour donner d’effets aux solutions en ligne dédiées transitions.

Une plateforme : un écosystème dont la valeur globale des services dépasse la somme de la valeur de chacun d’entre eux considérée individuellement

Schématiquement, on peut définir une plateforme de ce type à la manière d’un écosystème dont la valeur globale des services dépasse la somme de la valeur de chacun d’entre eux considérée individuellement. Les participants d’un groupe de travail CIGREF (2019) se sont interrogés sur les caractéristiques clés d’une plateforme. Ils en distinguent trois.

Le premier vise à simplifier le parcours client pour le rendre le plus fluide possible. Il s’agit de faire en sorte que la complexité soit gérée par la plateforme et non par l’usager. Pour cela, toute plateforme doit être en mesure non seulement d’agréger un certain nombre de services, mais aussi de permettre le passage sans couture de l’un à l’autre.

Le second facteur concerne la maîtrise de la technologie, de l’algorithme et de la gestion des données ; un levier désormais bien connu. Le CIGREF rappelle également les enjeux majeurs autour de la sécurité et la confiance.

La troisième caractéristique relève de que le CIGREF nomme « l’ambition » ; le succès de projet de ce type suppose que l’on atteigne rapidement une masse critique d’utilisateurs. Dans une logique inspirée de celle du « gagnant remporte tout », il ne s’agit donc pas de rechercher une rentabilité sur le court terme, mais d’impliquer le plus possible d’usagers. L’organisation de la solution dont il ici question fonctionnerait toutefois dans une logique à l’opposé de celles des dominants qui, comme Google et Meta, sont à juste titre menacés de démantèlement par l’autorité antitrust américaine.  « Google a eu recours à des méthodes anticoncurrentielles, excluantes et illégales afin d’éliminer ou de réduire considérablement toute menace à sa domination sur les technologies utilisées pour la publicité numérique« , a récemment déclaré Merrick Garland, procureur général des États-Unis.

Le service universel actuel des communications électroniques transformé en service universel des transitions ?

C’est cette plateforme ouverte et mutualisée, adressant les principaux leviers de transition réunis dans un parcours fluide et sans couture, que j’ai essayé d’esquisser sur la base des enseignements des expérimentations réalisées. Services associés à des offres immobilières, par exemple de bailleurs sociaux ou de promoteurs, service public intégré dans un Réseau d’Initiative Publique, rhizome de solutions locales mutualisées et organisées en mode plateforme, je reviendrai dans un prochain article sur les discussions exploratoires menées à ce sujet depuis 2016. Elles se sont toutes soldées par des échecs. Les raisons de ces déconvenues sont bien entendu diverses ; je crois toutefois que la principale provient, d’une part, de l’absence d’une véritable stratégie de notre pays, et de l’Europe, et, d’autre part, de la trop grande timidité des pouvoirs publics qui refuse toujours d’endosser un nouveau rôle pour nous entrainer dans ce chantier. Faute de tel signaux, le business as usual reste la norme pour la majorité des manageurs privés et publics.

Ce sont ces tentatives et ces échecs qui m’incitent à proposer une autre voie. Elle consiste à transformer l’actuel service universel des communications électroniques en service universel des transitions avec pour chacun de nous une identité et parcours individuel personnalisé. Je reviendrai plus en détail dans un quatrième article sur les scenarii pour lancer ce service ; je préfère ici me concentrer sur ce qu’il pourrait permettre, sur ses contenus et sur ses apports. Rappelons juste que le service universel des communications électroniques permet à toute personne de bénéficier d’un raccordement fixe à un réseau ouvert au public et de la fourniture d’un service téléphonique de qualité, à un tarif abordable. Rappelons également que, depuis le 3 décembre 2020, il n’y a plus d’opérateur en charge du service universel pour ce service téléphonique. Néanmoins, rappelle l’Arcep, Orange, anciennement désigné opérateur de service universel, s’est engagé à maintenir ses offres « abonnement principal » et « réduction sociale téléphonique » qui relevaient du périmètre du service universel jusqu’en 2023.

La piste explorée ici consiste donc à réinventer ce service universel pour en faire la base d’un Web souverain dédiée transitions. Dans cette version provisoire, il s’organiserait autour de quatre piliers principaux :

  • un accès pour tous et partout à une plateforme de services ouverte aux solutions privées comme publiques,
  • un référentiel et des parcours personnalisés, omnicanaux et géolocalisés,
  • des incitations en mode jeux et des solutions de mise en valeur sociale,
  • une nation « laboratoire vivant » pour transformer les pistes d’innovations d’aujourd’hui en solutions de nos quotidiens de demain, en France et ailleurs.

Un identifiant automatiquement créé pour chacun de nous

La première condition pour réussir consiste à garantir l’accès de tous et partout à ce service. En matière d’identité, la solution adoptée par le projet « Mon espace santé » semble être une des voies à suivre pour y parvenir. La loi dite « Santé » de juillet 2019 a permis la création automatique, sauf opposition formelle de l’intéressé, d’un Dossier Médical Patient et donc d’un compte personnel associé. Tout assuré social reçoit un courrier ou un e-mail de la part de l’Assurance Maladie lui demandant d’activer son Espace santé. L’assuré dispose alors d’un délai de six semaines pour s’opposer à sa création. Sans réponse de sa part, son Espace santé est automatiquement créé.

Les enjeux associés au service universel transitions me semblent pouvoir faire l’objet de décisions similaires. Un compte serait automatiquement créé pour chacun de nous. Il donnerait accès à un parcours transition comme celui esquissé plus bas. Il serait même possible d’aller plus loin en nous dotant enfin d’une véritable identité numérique unique, sur le modèle par exemple de l’Estonie, du projet d’identité numérique de La Poste et du label France Cybersécurité. Dans la plateforme transition, mais pas seulement dans celle-ci, cette identité permettrait de disposer d’un authentifiant unique, mutualisable non seulement pour l’accès à tous les services publics (impôts, santé, collectivités territoriales…), mais aussi pour interconnecter et personnaliser les solutions proposées par le secteur privé (par exemple « Edf et moi », « Geco Air » et solutions de type Greentech retenues).

Il faudra néanmoins associer cette identité numérique ou ce compte à une solution assurant un accès à l’Internet d’une qualité suffisante. Le prochain article reviendra sur les pistes envisagées à ce sujet. À ce jour, ces discussions exploratoires se sont soldées par des échecs.

Un score transition personnalisé et géolocalisé que l’on peut suivre et piloter.

Le second facteur clé passe par la proposition d’un ensemble d’informations personnalisées et géolocalisées à même de nous fournir un cadre.Score, objectifs, indicateurs ou quota d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), quel que soit le nom que l’on retiendra, l’une des briques informatives essentielles de la plateforme suppose que chacun de nous dispose d’un référentiel adapté à sa situation. Le GIEC nous en donne les bases. Celles-ci sont d’ailleurs prises en compte par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) publiée en mars 2022 par le ministère de la Transition écologique et des Solidarités de notre pays. Pour ne pas dépasser 2°C de réchauffement, le budget CO2 de chaque terrien (hors méthane CH4 et protoxyde d’azote N20) devrait être compris entre 1,6 t et 2,8 t par an entre aujourd’hui et 2100. Or, nous sommes actuellement autour de 8 tonnes. Passer schématiquement de 8 à 2 tonnes ne relève pas de la gageure. N’avons-nous jamais réussi une réduction d’une telle ampleur ?

Je serai d’ailleurs curieux de savoir quelle est la part des Français qui ont réellement conscience de l’immensité des défis à relever. J’ai la chance d’enseigner dans plusieurs formations de l’Université de Pau qui réunissent des jeunes gens de grande qualité nés au début de ce siècle. Depuis plusieurs années, l’ensemble de mes cours comprennent des volets dédiés transitions. L’immense majorité de mes 80 étudiantes et étudiants se révèlent très sensibles à ces enjeux ; ce sont donc des moments d’échanges particulièrement intéressants. Pourtant quasiment aucun d’entre eux n’a conscience de l’ampleur des objectifs quantitatifs à atteindre. La transition représente pour eux une puissante valeur cardinale, mais une valeur qui reste quasiment ésotérique ou tout au moins encore trop désincarnée pour impulser des changements de consommation et de modes de vie à la mesure des enjeux. Telle est selon moi l’une des priorités de toute plateforme Web transitions : doter chacun de nous d’une feuille de route fondée sur des indicateurs quantifiés de réduction des GES que l’on peut suivre quasiment au quotidien.

Mais, dans ces domaines, comme sans doute dans tous les autres, la moyenne n’a pas grand sens. La situation d’un couple à très hauts revenus résident en zone métropolitaine n’a par exemple rien de comparable avec celle d’un jeune défavorisé en zone rurale. La récente étude menée par le laboratoire World Inequality Lab de l’Université­ de Berkeley­, cité par Le Monde le 31 01 2022, rappelle à quel point la crise climatique est profondément une crise des inégalités. « Alors que l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre est généré par les plus aisés, les plus pauvres et moins responsables sont les plus touchés par les impacts grandissants du dérèglement climatique. »L’étude précise que le 1% le plus privilégié émet 101 tonnes d’équivalent CO2 par personne et par an. Comme le montre cette infographie tirée de l’article du Monde, « la moitié la plus pauvre de la population mondiale endure 75 % des pertes de revenus liées aux impacts du changement climatique, tout en ayant le moins la capacité financière pour agir : seulement 3 % des capacités de financement, alors que les trois quarts sont concentrés dans les mains des 10 % les plus aisés ».

Or l’un des immenses intérêts du Web et du suivi de nos historiques en ligne est justement de nous donner à la fois, d’une part, la possibilité de personnaliser nos feuilles de route en fonction de nos modes de vie, et, d’autre part, de caler les modèles de taxation comme de récompenses associées. Les auteurs de l’étude du World Inequality Lab, citée plus haut, proposent par exemple la création d’une taxe à hauteur de 1,5% le patrimoine de ceux qui gagnent plus de 100 millions de dollars par an. Ils estiment les recettes à 295 milliards de dollars par an, ce qui correspondrait selon eux aux besoins pour limiter les impacts du changement climatique. Taxations pour les uns, aides et incitations pour les autres, quelles que soient les mesures qui seront prises, la personnalisation est en tout cas l’une des clés ; elle impose de disposer d’indicateurs dynamiques et de moyens de réduction adaptés à nos situations comme ceux envisagés dans ce service universel de la transition.

Des incitations en mode jeux et des solutions de mise en valeur sociale

Si ce service universel des transitions existait, une minorité seulement d’entre-nous en ferait toutefois sans doute un usage à impacts. Une autre partie ne l’utiliserait que pour de rares solutions. La majorité soit ne connaîtrait pas vraiment son existence, soit dénoncerait un complot ourdi en mode Big Brother et atteinte aux libertés, soit réfuterait la réalité des problèmes climatiques, tout au moins pour eux. Sans le moindre doute, il faut donc ne pas croire que la magie du service en ligne, même personnalisé et géolocalisé, suffira.

L’urgence de l’action exige au contraire de se donner les moyens d’impliquer le plus vite possible la majorité d’entre nous. Dans mes expérimentations, j’ai timidement testé les leviers jeux pour y parvenir. Même si j’ai manqué d’ambition et de créativité dans ce domaine, les résultats ont été probants. Il semble qu’il y a là une piste fertile. Le principe consisterait schématiquement, par exemple via des défis, des communautés de gamers, et des récompenses, à développer ce service universel aussi comme ce que j’appelais plus haut le Pokémon GO de la transition. Chaque levier de transition serait associé à un chalenge personnel, à des concours et à des classements entre participants. Pour franchir des niveaux, la plateforme prodiguerait des conseils et proposerait des formations ludiques pour progresser. L’impact socioécologique de chaque décision serait simulé et les championnes et champions seraient mis en valeur. Des projets de ce type existent déjà ; c’est par exemple le cas à Lhati, ville finlandaise d’environ 120 000 habitants, capitale verte européenne en 2021, qui non seulement a attribué ce qui doit être le premier quota carbone individuel au monde, mais qui incite à réduire ses émissions via un système de récompenses.

Un laboratoire vivant pour une « transition Nation »

Un Living Lab, selon Wikipédia, « regroupe des acteurs publics, privés, des entreprises, des associations, des acteurs individuels, dans l’objectif de tester grandeur nature des services, des outils ou des usages nouveaux. Il s’agit de sortir la recherche des laboratoires pour la faire descendre dans la vie de tous les jours (…) et de favoriser l’innovation ouverte, de partager les réseaux et d’impliquer les utilisateurs dès le début de la conception ». Tests grandeur nature, innovations ouvertes, implications, coopérations, hormis le chantier transition, existe-t-il beaucoup de projets d’intérêt général, dont la réussite dépend à ce point de tels facteurs ? L’idée serait donc de considérer cet écosystème service universel des transitions comme le laboratoire ouvert de mise au point et de co-construction des leviers, des technologies, des réglementations, des formations, des incitations et des lieux dédiés transitions.

On le voit, cette piste de transformation de l’actuel service universel des communications électroniques en service universel des transitions coche nombre des cases pour augmenter nos ressources collectives et personnelles. Il fournirait notamment l’un des signaux forts pour enfin engager le chantier transitions, notamment via une communauté d’organisations publiques et privées réunies dans une plateforme de plateformes. Il procurerait également l’une des bases pour inventer le ou les modèles économiques associés. Cette idée pose toutefois bien entendu nombre de questions par exemple de droit, de positionnement concurrentiel du premier pays qui dégainerait cet outil, d’acceptabilité sociale ou encore de gouvernance.  Je souhaiterais pouvoir profiter de vos avis, critiques et suggestions à ce sujet. Pourriez-vous donc prendre quelques minutes pour répondre à ce questionnaire ?

Références des ouvrages cités

Babinet G. (2016), Transformation digitale : l’avènement des plateformes. Édition Le Passeur

Bohler S. (2019), Le Bug humain, Robert Lafont

CIGREF (2019), Nouvelles stratégies de plateforme, Cigref

Libaert Th. (2020), des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète ? Éd. Le Pommier.

Ministère de la transition écologique et solidaire. (mars 2020), Stratégie Nationale bas-carbone. La transition écologique et solidaire vers la neutralité carbone. Lien de consultation

Parrique T (2022), Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance – Ed Seuil 2022

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