Je suis surpris que l’excellent article de Réseaux Telecom du 10 juin 2010 (ici), papier qui relate plusieurs entretiens avec des opérateurs, n’est pas fait l’objet de plus de débats et d’analyses. Ne rappelle-t-il pourtant pas une vérité cruelle ? Les réseaux fibres paraissent encore à ce jour orphelin de services, notamment pour le Ftth en France. Conséquence : les initiatives à même de faciliter le déploiement de réseaux optiques, annoncées notamment par l’ARCEP cette année, risquent de rester lettre quasi morte faute de désirs d’abonnés…
Réseaux Telecom relate la position pour le moins timorée de plusieurs opérateurs. L’un d’entre eux estime « il ne se passera rien… Le choix par l’Arcep d’un multifibrage dans les immeubles bloque les investissements dans les zones denses. Personne n’est en fait d’accord sur les coûts et leur partage. » Selon un autre, l’attentisme des opérateurs alternatifs s’explique autrement. Les abonnés au haut débit ne seraient pas intéressés par la fibre. « Le réseau DSL est excellent et personne ne voit l’intérêt de basculer sur la fibre ». Selon Réseaux Telecom, une étude réalisée il y a un an par Free auprès de ses abonnés, notamment parisiens, indiquait que 76 % d’entre eux refuseraient de se désabonner pour basculer sur la fibre d’Orange, même si l’opérateur historique affichait un tarif du très haut débit similaire à celui de Free pour le DSL. Ces informations recoupent celles de réseaux Fttx en exploitation depuis plusieurs années, celui de Pau Pyrénées par exemple, où le nombre d’abonnés Ftth stagnent malgré la qualité des infrastructures publiques déployées. Cette situation montre que les particuliers en zone dense estiment aujourd’hui n’avoir pas encore pas de vraies bonnes raisons, versus un vrai service différenciant, de passer du cuivre à la lumière.
Il me revient en mémoire cette formidable pétition sur « Le Très haut débit pour tous », lancée voici quelques années, et que nous sommes très nombreux à avoir signer. J’en lancerai bien, avec d’autres, une autre désormais aujourd’hui sur « Déployons de vrais services Très Haut Débit pour tous »…
Le vieux débats sur la poule ou l’œuf… Mais à ce jour, force est de constater que l’infrastructure n’a pas encore fait émerger ces célèbres killeuses applications Ftth au cœur d’une partie de l’économie quaternaire européenne annoncée par la stratégie de Lisbonne en 2000. 10 ans déjà… 10 ans perdus pour repositionner nos économie dan la post économie tertiaire ?
Pourquoi la fibre chez soi quand une simple ligne xDSL permet de recevoir la TVHD, ou le câble la TV 3D? Tant que, dans l’esprit de la majorité des gens – élus, citoyens, consommateurs – l’équation restera « THD = TriplePlay amélioré », le FTTH ne décollera pas.
Il faut casser ce modèle TriplePlay, en faisant entrer dans l’équation de nouveaux (f)acteurs.
En premier lieu, intégrer les propriétaires dans la boucle : gestionnaires d’immeubles, syndics, co-propriétaires, individus, pour intégrer l’augmentation de la valeur d’usage du bien (c’est le combat de mon camarade Olivier Zablocki, dit @zablo).
Ensuite, il faut faire entrer de nouveaux opérateurs, proposant des services pas forcément innovants : banques et assurances, pour les services à la personne, la télé-surveillance, etc., et fournisseurs d’électricité, pour les services du type Smart Grid.
On peut aisément démontrer, par de vrais chiffres et de vrais données factuelles, comment la mise en place d’une infrastructure Smart Grid au plan national, régional, ou même local (cf. les USA) entraîne le déploiement de réseaux domestiques dans les habitations, qui permettent ensuite la généralisation des services domotiques et… la domo-santé (confort et sécurité des personnes âgées et à mobilité réduite), tout cela en parallèle du traditionnel TriplePlay.
Jean-Pierre,
Difficile de ne pas être d’accord sur l’analyse, d’autant que la France n’est pas le seul marché où l’on constate ce phénomène. J’étais récemment au Portugal ou malgré 1 400 000 domiciles connectés en FTTH, il y a moins de 100 000 abonnés.
Pour moi le problème a une double cause. La première c’est que les opérateurs d’infrastructure continuent de considérer l’accès à internet comme un service alors qu’il ne constitue qu’un enabler (désolé pour l’anglicisme, je ne trouve pas d’équivalent Français qui ait exactement le même sens). Du coup, la seule « innovation » qu’apportent les opérateurs sur la fibre c’est la meilleure bande-passante, argument qui en soit peut emporter 5% de geeks mais pas grand monde au-delà.
Le deuxième souci c’est que les réels innovateurs dans le domaine des services, c’est à dire ceux que les opérateurs dénigrent souvent sous le nom d’Over-the-Top – bref, les sociétés qui proposent des services sur internet – ne voient pas la fibre comme un marché suffisamment gros pour justifier des investissements en R&D spécifiques. Cette situation là va changer dans les années à venir à mesure qu’à l’échelle mondiale la masse critique de clients fibrés augmente.
En attendant, les stratégies permettant de dynamiser la demande sur un marché donné tournent plutôt autour des méthodes de distribution et d’un marketing de proximité qu’aucun opérateur en France n’entreprend aujourd’hui.
J’ai peur que si l’on attend la masse critique, la France ne soit pas au rendez vous des emplois, des brevets, des solutions… qui vont un jour émerger sur les réseau à larges bandes. Cela me désole tant le potentiel me semble immense. A nous de réagir. A venir ce soir ou demain une petite proposition modeste sur ce point.
J’aime beaucoup votre idée de marketing de proximité. Avez vous publié des textes ou des vidés sur ce sujet ?
@Benoit : concernant les chiffres du FTTH au Portugal, attention au piège classique: « logement raccordable vs. logement raccordé », « passed vs. connected ».
En dehors des freins qui sont au coeur du débat qui nous occupe ici, le faible taux de pénétration actuel s’explique peut-être aussi tout simplement par le fait que les immeubles ne sont pas encore fibrés, ou les liaisons entre le dernier point de flexibilité (splitters PON) et les pieds d’immeubles ne sont pas encore tirées.
Exemple de THD Seine, aka DSP92 : on construit indépendamment Vertical et Horizontal, et pour cette partie on s’arrête d’abord au dernier point de flexibilité (ici, SRO2), avant d’aller « chercher » les immeubles au fur et à mesure des commandes clients. Donc, forcément, une différence notable entre le nombre de logements potentiellement fibrés (les « raccordables ») et le nombre de logements effectivement connectés au réseau (« raccordés »).
Un petit article de 01 intéressant… qui montre comment on joue (un peu) sur les chiffres… 100.000 Ftth en France seulement sur plus de 20 millons ADSL…
L’Arcep vient de publier les chiffres de son observatoire du haut et du très-haut-débit pour le troisième trimestre 2010 (marché de détail et de gros). La France comptait, au 30 septembre dernier, 20,85 millions d’abonnés au haut-débit et au très-haut-débit, dont 93 % pour la seule technologie ADSL (19,47 millions, soit une augmentation de 320 000 en un trimestre). Le parc total a crû de 360 000 abonnements par rapport au deuxième trimestre. Aujourd’hui, 98,5 % des lignes téléphoniques sont éligibles au haut-débit, et 82 % sont dégroupées (10,5 millions, dont 8,7 millions en dégroupage total).
Il en ressort aussi que l’Hexagone comptait 420 000 abonnés au très-haut-débit (1), soit une augmentation de 56 000 en un trimestre. Sur ce total, 320 000 abonnés utilisent la technologie FTTLA (fiber to the last amplifier), la solution retenue par Numericable (fibre jusqu’à l’immeuble, puis connexion coaxiale), soit 45 000 de plus que le trimestre précédent. Seuls 100 000 sont des abonnés FTTH (fiber to the home), qui reçoivent donc la fibre à leur domicile. « Le rythme de croissance est d’environ 10 000 par trimestre », note le régulateur des télécoms et des postes.
L’Arcep indique que 44 000 immeubles sont équipés en FTTH et raccordés à au moins un opérateur (+ 58 % en un an). Au total, 967 000 logements sont éligibles. Ceux qui le sont par le biais de la mutualisation sont au nombre de 130 000, et, parmi ceux-ci, quelque 1 800 foyers ont un abonnement. « La croissance du nombre de logements éligibles à des offres de fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH) d’au moins deux opérateurs s’accélère fortement grâce la mise en œuvre de la mutualisation, en application de la décision de l’Arcep publiée au Journal officiel du 17 janvier 2010 », note l’autorité.
(1) Selon les critères de l’Arcep, pour qu’un abonnement soit considéré comme du très-haut-débit, il faut un minimum de 50 Mbit/s en débit descendant et de 5 Mbit/s en débit ascendant.
source : http://www.01net.com/www.01net.com/editorial/524211/la-france-compte-420-000-abonnes-au-tres-haut-debit/?r=/rss/actus.xml