Le rapport BELOT, du nom du député de Maine-et-Loire qui a coordonné le document «de la smart city au territoire d’intelligence(s) » remis au Premier Ministre le 18 avril 2017, ouvrira-t-il la voie à de vraies smarts stratégies publiques ? On peut enfin le croire tant il propose nombre de pistes fertiles. Il faut donc rendre hommage à la « mission Luc Belot » et, surtout, formuler des vœux pour que, en ces temps de changements politiques, ce rapport ne passe pas dans les oubliettes de l’histoire. Six raisons au moins incitent en effet à défendre les recommandations issues de cette mission.
Dans un monde numérique agité d’une puissante marée de documents, ouvrages, et études sur les villes intelligentes, dont la plupart relèvent davantage de courants lobbyistes que des fonctions de la boussole, le rapport Belot souffle-t-il enfin la brise sans laquelle nous ne pourrons pas lutter contre les vents contraires ? Je le crois. Et j’ai trop souvent d’ailleurs regretté, dans ce blog, les limites de rapports publics, aussi brillants dans l’exposé des motifs que, au mieux, prudents dans la formulation des propositions, pour ne pas sacrifier avec un véritable plaisir au rituel de l’hommage.
Mais par-delà l’hommage, il s’agit surtout ici de tenter de mettre en relief les véritables avancées produites par ce rapport. Elles sont en effet nombreuses et parfois trop vite abordées dans les articles de grands médias. Résumer, c’est vrai, 130 pages en quelques milliers de signes laisse toujours celui qui tente l’exercice s’exposer au risque du simplisme. Il faut donc, dans ces domaines, faire preuve de la plus grande humilité. Mais s’il fallait tout de même expliquer en quelques mots pourquoi le rapport Belot est important, nous prendrions le parti de souligner six raisons principales.
1- Via l’entrée territoires intelligents, le rapport Belot suggère de réinventer les coopérations entre acteurs publics comme entre organisations publiques et privées.
C’est notamment le sens de la proposition n° 4 qui suggère d’engager systématiquement des collaborations avec l’ensemble des acteurs de la ville, au niveau de chaque collectivité mais également avec des groupements de collectivités. Il s’agit ainsi d’assurer une meilleure complémentarité entre les offres publiques et privées et de garantir le respect de l’intérêt général. Cette approche d’une ville intelligente qui cherche à répondre aux questions d’intérêt général par des solutions numériques déployées en partenariat reprend ainsi utilement des orientations déjà connues, notamment celles autour des logiques de plateforme territoriale ouverte et mutualisée.
2- La mission relance les propositions en faveur d’une nécessaire subsidiarité numérique
Le rapport ouvre ainsi la voie, sans employer toutefois ce mot, vers une subsidiarité numérique à la mesure des enjeux mondiaux face auxquels les sempiternels combats de clochers et de marketing territorial relèvent bien d’une désormais stérile lutte de coqs de basse-cours de quartiers périphériques du village mondial. La proposition n° 16 du rapport recommande par exemple de coordonner les projets smart cities lancés dans les collectivités pour permettre leur compatibilité dans le futur et pour tenter d’en finir avec la concurrence territoriale.
3 – Le rapport propose quelques-unes des compétences territoriales qui font aujourd’hui défaut en matière de politiques numériques locales.
Pour aller contre ces vieilles lunes, la mission Belot suggère aussi d’instaurer de nouvelles compétences pour des Collectivités Territoriales et des EPCI dont l’oxygène a été trop mal aspiré par les logiques mécaniques des fusions au coeur des dernières lois comme NOTRE. Le rapport suggère en particulier d’adopter la notion « de donnée d’intérêt territorial ». « On peut définir comme donnée d’intérêt territorial celle qui permet d’améliorer le bien-être social et notamment la gestion et l’administration des services publics locaux. Cette donnée n’a pas vocation à être systématiquement partagée librement. » Les propositions n° 8 et 9 ouvrent une piste particulièrement intéressante dans ces domaines. Elles proposent d’engager, au niveau local, un recensement des données d’intérêt territorial produites par les entreprises ou associations à même d’enrichir celles déjà concernées par les lois transition énergétique et République numérique. Elles jugent également utile d’envisager à terme la possibilité de créer un droit des collectivités à accéder à ces données, à titre gratuit ou non.
4 – Luc Belot redonne toutes leurs dimensions politiques aux territoires intelligents
En replaçant les technologies territoires intelligents dans leurs perspectives politiques, le rapport Belot suggère donc de profondes évolutions en matière de gouvernance et de management public. « La smart city appelle une approche décloisonnée, transversale de la ville, souligne Luc Belot. Ne serait-ce qu’en matière de mobilité, souvent, il y a le gestionnaire des parkings qui favorise l’usage de la voiture tandis que l’opérateur de transports en commun incite à ne pas l’utiliser ; tous deux sont pourtant délégataires de service public », observe-t-il dans une récente Interview du Monde. Beaucoup reste incontestablement à faire en effet pour échapper aux logiques de silos.
La mission va d’ailleurs plus loin dans ces domaines. Elle suggère d’associer plus largement les usagers dans les projets de territoires intelligents. C’est par exemple l’objet des recommandations organisées autour des objectifs qui visent à garantir une ville inclusive à même de donner une place à chaque citoyen, sans fracture sociale ou numérique.
5 -La mission rebat enfin les cartes en matière d’infrastructures réseaux et d’investissements numériques publics associés
Il y a quelques mois, nous recommandions de réinvestir dans l’investissement public. Faute de stratégies numériques à la mesure des bouleversements en cours, faute de solutions mutualisées, faute parfois de moyens, l’Etat et les Collectivités Territoriales pourraient être en effet les grands perdants de la transition numérique. Avec elles, ce sont d’ailleurs des milliers de petites entreprises qui sont en train de passer à côté de ce virage déterminant. Certains s’en réjouissent estimant que les grandes plateformes feront mieux et plus vite. Beaucoup ne s’en préoccupent guère et distillent allègrement leurs datas au profit de ceux qui savent en faire commerce. D’autres, j’en fais partie, observent de quelles manières nous avançons vers le monde des plateformes de la Silicon Valley. Mais cette dernière fait-elle solution en France ? N’est-il pas urgent de réinvestir dans l’investissement public numérique ? J’en suis persuadé de longue date.
Visiblement, c’est également la conviction de la mission Belot qui propose plusieurs pistes dans ces domaines. Sa première proposition recommande par exemple d’élargir les modèles infrastructures inhérents, par exemple, aux Réseaux d’Initiatives Publiques. Elle propose d’évaluer les besoins réels de la collectivité territoriale en matière de connectivité, de cibler les gains attendus en réduction des coûts de fonctionnement et les externalités positives que ces investissements peuvent produire. La proposition 14 complète cette orientation. Elle vise à permettre aux acteurs publics de ne plus subir les réseaux déployés par d’autres mais d’en maîtriser la partie qui leur est nécessaire en s’assurant que ces infrastructures numériques puissent être le support durable des usages publics. La proposition 17 va dans le même sens et suggère de créer une clause « interopérabilité » entre infrastructures, applications et solutions publiques.
6 – Le rapport Belot associe enfin solutions numériques et invention de lieux de proximité augmentée
Visiblement, pour la mission Belot, la ville intelligente dépasse donc de beaucoup les seules dimensions technologiques. Elle milite pour ne nouvelles formes de coopérations ou de mutualisations, elle enrichit les modèles d’investissements publics, elle facilite les convergences numériques et énergétiques (…) et elle recommande également de penser de manière complémentaire le déploiement de solutions numériques et l’aménagement de nouveaux lieux, notamment publics. La proposition n° 18 incite ainsi à déployer des points d’accès à Internet pour aider à bien exploiter les services numériques mis en œuvre afin de limiter les risques d’exclusion d’une partie de la population.
Ces six raisons convergent pour faire du rapport produit par la mission Belot un document non seulement à lire mais aussi à exploiter pour enrichir les programmes politiques des mois à venir.
Très exactement, quasiment point par point, le projet sur lequel nous travaillons ici à Oloron Sainte-Marie, Béarn. Depuis deux ans et quelques mois, pas à pas, le temps de comprendre, analyser, digérer, transmettre, imaginer… Et faire. Le plus difficile : Faire. 😉
Dans la dernière ligne, Jean-Pierre, je suppose lire « des mois à venir » plutôt que des « moins à venir »… On avait compris, mais si tu peux rectifier ta publi (car les « moins-disants » en ce moment, pullulent, isn’t it ?)
J
Merci Vincent. Cela ressemble à l’expression d’une crainte des résultats de Dimanche 🙂
Je reviens sur les Propositions n° 19, 20 et 21 : « Accentuer la formation des collectivités sur le numérique »
Proposition n° 20 : Proposer un « passeport digital » pour les élus afin de les sensibiliser aux enjeux du numérique et de leur permettre de valoriser cette démarche.
Dans mes cartons ici, des modules dédiés « Elus & Services » pour le fameux TANu Test d’Agilité Numérique de Immersive Lab. Les questions sont (presque) toutes prêtes, manque plus que… l’Elu couillu qui acceptera de jouer le jeu pour une première expérimentation en grandeur réelle. Et ça, c’est pô gagné !
Quant aux propositions 19 et 21 qui touchent toutes deux à la formation « initiale » des élus, services, et ingénieurs, ce volet est intégré au projet Smart City sur lequel je bosse…
Faut guetter, comme le lait sur le feu, l’instant où la source big data devient de l’information humaine … regrette l’utilisation de mots et de concepts anglo-saxons qui trouble un texte en français et le génie de la race … il ne me semble pas nécessaire d’annexer empowerment ou gourvernance