Le prix de l’IP grand oublié de l’aménagement numérique des territoires.

L’inauguration du nouveau centre de données de Neo Telecoms de Toulouse, le 15 septembre 2011, donne à nouveau l’occasion de souligner de quelles manières aménagement numérique, réseaux d’initiatives locales et plaques locales très haut débit ne peuvent pas faire l’économie d’un volet opérationnel sur les solutions de connexion aux principales places de marché de l’Internet. Or, je reste frappé du silence de nombre de RIP et de quasiment tous les Schémas Directeurs Territoriaux d’Aménagement Numérique dans ces domaines. Prix de l’IP en région, interconnexions des plaques locales, mutualisation de moyens et de besoins dans ces domaines (…) ce sont pourtant là des points déterminants pour le développement économique local et la compétitivité numérique. Pourtant quasi silence… Inquiétant.

Il n’y aura pas d’infrastructures très haut débit dans les territoires sans solutions de transport de l’IP performantes et mutualisées

Florian du Boys, C.E.0 de Neo Telecoms, a rappelé hier l’importance de ce sujet dans l’interview qu’il nous a accordé à l’occasion de l’ouverture du data-centre de Toulouse. A Besançon par exemple, le prix actuel de l’IP est à 100 euros le mégabit, soit 10 fois plus cher que sur les grandes métropoles, comme Paris. On imagine sans peine la réaction des entreprises si elles payaient leur électricité en province dix fois plus chère que dans la capitale ! Il en sera  rapidement de même pour les prix de la matière première de l’économie numérique, le mégabit.  Alors comment faire ? Qui, par exemple parmi les promoteurs de réseaux d’initiatives publiques, prépare les solutions d’interconnexions des plaques locales aux grandes places de marché ? Qui négocie les prix de l’IP pour aligner la province sur Paris ? Les initiatives semblent encore bien rares en la matière ; elles restent le plus souvent limitées aux opérateurs délégataires. Il ne faudrait pas que l’on se réveille là aussi un peu tard car il n’y aura pas d’infrastructures très haut débit d’intérêt public sans solution de transport de l’IP à même de faire significativement baisser les prix du mégabit en province.Par-delà ses impacts positifs en matière de services, d’infrastructures et d’emplois, la décision de l’entreprise Neo Telecoms d’ouvrir un Data-centre à Balma, dans l’agglomération toulousaine, est aussi à considérer à travers ce prisme trop oublié.

Neo Telecoms ouvre on premier data-centre en province

Neo Telecoms est un opérateur international d’infrastructures et de connectivité. Cette entreprise, numéro 2 dans son domaine en France, exploite également un réseau qui assure la distribution du trafic de ses clients sur les principales plaques mondiales. L’ouverture du data-centre de Toulouse est une première pour Neo Telecom et cette décision illustre la volonté de l’entreprise de se rapprocher de ses clients. Pour son C.E.0, Florian du Boys, « la problématique régionale se gère encore à Paris ». Jusqu’à hier, Neo Telecoms avait en effet centralisée toutes ses infrastructures en région parisienne où elle dispose de 1500 m2 de salles dédiées. Or, nombre de ses clients sont en province et doivent donc héberger sur Paris leurs données, faute de capacités locales suffisantes, de prix et de sécurités ad hoc. Neo Telecoms a décidé de faire évoluer cette situation en déployant dans l’agglomération toulousaine un data-centre d’environ 500m2 capable d’accueillir environ 180 baies avec chacune une puissance électrique de 3 kva.

Cette installation va concrètement permettre de réduire les coûts de l’IP sur Toulouse en stimulant la concurrence. Or cette baisse de prix est déterminante pour les entreprises. Elle leur permettra d’améliorer leurs systèmes d’information, de mettre en place des solutions techniques moins couteuses, de mieux sécuriser leurs données et d’élargir leurs champs de possibles. Pour Florian du Boys, «  le marché est en train de durablement se développer autour du Web et des réseaux.  Et ce marché a besoin de solutions d’hébergement et d’être compétitif en disposant de prix de l’IP comparables au cours mondiaux ».

Raphael Maunier, directeur ingénierie de Neo Telecoms, explique d’ailleurs toutes les difficultés qu’il a fallu surmonter dans ce domaine. « On a été confronté au départ à des prix complètement hallucinants sur les offres backbones. Il a fallu plus de 4 mois de négociation pour arriver à mettre les villes en France à la même enseigne que de grandes capitales comme Londres ». Neo Telecoms travaille aujourd’hui avec Level3, qui dispose d’un backbone Marseille – Toulouse, et avec Covage qui assure le lien avec Paris.

Est-il possible de faire vivre de petits data–centre ?

C’est la question que se pose nombre d’acteurs numériques locaux… Florian du Boys se rappelle à ce sujet de ses échanges avec un gros opérateur américain. Cette entreprise leader estimait qu’en dessous 1 MW de puissance électrique, soit environ 1000 m2, le modèle des data-centre n’était pas viable. Neo Telecoms pense pourtant l’avoir trouvé ; Toulouse le démontre avec ses 500 m2. Florian du Boys ne croit toutefois pas aller en dessous de cette taille. Neo Telecoms a annoncé qu’il allait investir 10 millions d’euros en Province.

Après Toulouse, l’entreprise a un projet à Besançon, d’une taille similaire à celui Toulouse. Cet investissement à Besançon est le fruit notamment d’une volonté locale forte, notamment politique, qui vise à soutenir la création de services et d’emplois numériques.

10 commentaires sur “Le prix de l’IP grand oublié de l’aménagement numérique des territoires.

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  1. Je ne comprends pas tout mais je comprends que sans vision globale d’aménageur du territoire on va dans le mur et qu’il est urgent de changer de cap !
    http://websdugevaudan.wordpress.com/2011/09/07/pnthd-changer-de-cap/

    Il ne faut pas s’étonner que des thèmes aussi essentiels passent à la trappe quand on sait que « au plus haut niveau de l’administration centrale les personnes réellement compétentes sur un sujet aussi technique se comptent sur les doigts de la main ! » (rapport Maurey 6 juillet 2011)

  2. Une chose est sûre : on aurait tous besoin de formation permanente pour faire le lien numérique / développement territorial… Quand est-ce qu’une université va lancer un pôle dans ce domaine ? ou le CNFPT ? ou ailleurs…

  3. Cela fait partie de l’absence de volonté politique sur le secteur. C’est juste qu’à nous tous nous avons une petite expertise sur le sujet mais, ce que je déplore depuis des années : (1) Nous avons été incapables de syncrétiser nos savoirs en savoir communs ; (2) nous avons été incapables de faire passer à nos élus.

  4. Jean-Pierre…. juste… *Merci*.

    C’est une problématique qui est tellement souvent oublié !

    Ya pas que les prix de l’IP qui sont démentiels: Les prix des liens de collecte, des backbones, de l’hébergement en salle, TOUT est 10x plus cher en province qu’a Paris dans ce domaine.
    La raison à mon avis est assez simple: En province, il y a des ensemble de monopoles locaux, en général gérés par des sociétés créées exprès pour ça par des opérateurs « connus ». Je connais un cas en province où le délégataire refuse même de passer le catalogue des tarifs, car en fait c’est dans une zone où il a des fibres, mais ça ne l’intéresse pas de développer le territoire.
    Alors plutôt que de laisser les autres le faire, simplement…il ne fait rien. Lettre morte, pas de réponse aux mails, commerciaux qui ne rappellent jamais… et voila. Stratégie du pourrissement. (Et le déléguant est aussi en défaut, faute de contrôle sur son déléguant).

    J’ai envie de dire que lorsqu’une région concède un monopole local à une société privée, la moindre de choses est AU MOINS de contrôler ce que celle-ci fait . Et ce n’est pas le cas.

    Je suis hyper-heureux de l’arrivé de Néo à Toulouse, j’espère qu’ils iront aussi ailleurs (Limoge, Brives, Agen, Auch…. ) .
    Mais il n’y a pas qu’eux, et ils ne pourront pas tout faire (Surtout qu’il n’y a pas forcément besoin de 500m2 partout)

    Je suis impatient de voir l’interview !

    Encore merci JP

  5. Merci Obinou. Je suis ok avec toi sur tous les prix : liens de collecte, des backbones, de l’hébergement en salle… L’arrivée de Neo telecoms sur toulouse et de Franceix assez vite après est un signe qui montre que l’on peut faire évoluer la situation…

  6. Un autre élément à prendre en compte est la grande vulnérabilité du réseau Français sur seulement quelques points-clés.

    Une illustration de cela est arrivé le week-end du 17 septembre, avec une importante coupure survenue sur le réseau de collecte SFR et qui a touché des dizaines de milliers de clients (heureusement, si l’on peu dire, c’est arrivé un vendredi soir et a été réparé avant le lundi matin, et ça touchais essentiellement les clients professionnels):

    http://www.libre-parcours.net/2011/09/incident-collecte-sfr-danger-centralisation/

    Avoir une multitude d’infrastructures IP en région avec des dizaines d’opérateurs différents permettrait de sécuriser le réseau, de décharger les noeuds parisiens, et de mitiger les conséquences d’une panne importante sur un opérateur.

  7. Et hop ! Encore un exemple de ce qui ne vas pas, sur le plan THD:
    http://www.altitudeinfrastructure.fr/index.php/actualites/operateurs/de-nouveaux-partenariats.html :
    « Ainsi, un projet de location d’environ 200 kilomètres de fibre vient d’être conclu avec les opérateurs SFR et Free sur les départements de l’Eure et du Jura pour dégrouper 11 NRA. ».

    Et voila comment déployer de la fibre pour alimenter…. les NRA de France Télécom, et ainsi « calquer » l’architecture réseau fibre optique sur celle du cuivre, donc un système arborescent. Là ou Internet justement est *conçu* pour être déployé dans un système de réseau maillé, ou chaque noeud est interconnecté a tous ses voisins *en IP*, ce qui procure résilience et performance, mais a condition de garder le principe du « best-effort » qui marche si bien mais que les opérateurs veulent absolument tuer…

    Ceci dis , Altitude fait aussi des choses bien: http://www.altitudeinfrastructure.fr/index.php/actualites/altitude-infrastructure/la-solution-ftth-fhn-une-vraie-alternative-au-full-ftth.html – c’est une idée simple à mettre en oeuvre et drôlement efficace, tout en ayant un coût de déploiement limité !

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