Des infrastructures très haut débit orphelines

D’un côté, il y a l’impitoyable vérité des chiffres. Et ceux-ci prennent, en ce mois de septembre, le ton d’un jour de rentrée sous la pluie. Un siècle pour faire basculer la France au Très haut débit au rythme actuel selon l’Avicca. Seulement 155.000 abonnements Ftth pour 1.210.000 logements raccordables, faute notamment d’innovations services à la mesure de la fibre… Tristes performances !

D’un autre côté, on observe l’explosion des demandes. Les données les plus récentes proviennent à ce sujet du résultat de l’enquête des Maire Ruraux de France présentée à Ruralitic le 31 août 2011. Le déploiement de réseaux très haut débit s’impose comme la première des attentes du public. D’après l’enquête, ce réseau constitue même « un service prioritaire à offrir aux habitants avant les commerces de proximité, les services de transports, la présence d’un médecin généraliste ou spécialiste ou encore l’accès à la culture et aux loisirs ». Etonnant.

Fibre en berne dans les zones hyperdenses où elle est tout doucement déployée, fibre élevée au rang de quasi icône dans les campagnes où elle reste ignorée par l’aménagement du territoire; la situation est ainsi, paradoxale… N’est ce pas ballot tout de même de voir une infrastructure lancée sans services discriminant dans les villes et des services attendus sans infrastructures dans les campagnes ? Chacun jugera.

Ce curieux paradoxe était au centre de mon intervention dans l’une des plénières de Ruralitic le 1er septembre dernier.  Il y était suggéré de ne pas fonder l’aménagement numérique sur les seuls projets d’infrastructures mais de miser aussi  sur la carte des services publics au sens large. Je suis en effet de plus en plus persuadé que ce qui se joue d’abord sur le très haut débit, c’est l’invention du double numérique de l’espace public, de nos villes et de nos villages ; c’est l’expérimentation d’outils de proximités augmentées qui permettraient de consolider les liens entre politiques locales, territoires et sociétés locales. J’abordai ces sujets dans cet article. Cette intervention prolongeait aussi notamment l’interview donnée par Thomas Gassiloud où il était question de FAI locaux. La mini-conférence proposée à Ruralitic a permis d’avancer un peu dans cette piste. D’autres travaux, expérimentations et réflexions suivront. Je formule d’ailleurs des vœux pour que l’appel des 7 RIP lancé à Aurillac s’empare, aussi, de cette problématique innovations services.

13 commentaires sur “Des infrastructures très haut débit orphelines

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  1. Le rural est un des lieux où l’on peut inventer la société de demain ?
    Cent mille fois d’accord à condition de nourrir la poule (infrastructures) pour pouvoir manger des œufs ( services) 😉

    Infrastructures et services ? C’est la poule et l’oeuf ! Aux Webs du Gévaudan nous insistons depuis 10 ans sur l’importance des infrastructures mais nous demandons également une large réflexion sur les services , J’ai ressorti sur le sujet un papier de … 2005 !
    http://www.lozere-online.com/websdugevaudan/index.php?2005/11/27/44-quels-moyens-pour-quels-developpements

    Quant à imaginer demain par des expérimentations à la campagne !,,,,évidemment ! J’ai même une petite idée du territoire où pourraient avoir lieu ces expérimentations;-)
    http://websdugevaudan.wordpress.com/projet-pour-la-lozere/

    si on arrivait à trouver une forte volonté politique et un minimum de matière grise pour mettre cette (belle) idée en musique’ !

  2. Comme je l’ai dit (première question posée en plénière suite à l’intervention de M. Dru, DR Nivernan) l’après-midi, ie après ton intervention…, il faudrait d’abord que les opérateurs de l’oligopole ADSL n’aient plus intérêt à « camper » sur le cuivre… Donc organiser, inciter, programmer la migration Cuivre–> FO …en prenant exemple sur l’accord NBN – Telstra en Australie !
    Solution:
    1- majorer, en taxant le différentiel aussitôt, la redevance de 9€ (à 10€, 10€50 ?) que les opérateurs doivent à FT, en premier là où des prises activables FO existent déjà, Cette taxe serait bien sûr affectée à l’alimentation du FANT…
    2- sur les zones de Montée en Débit, réguler intelligemment, pour que celles-ci ne deviennent pas un « contrefeu organisé » à la percée de l’optique :ie travailler là où cela fait mal : les CAPEX, les OPEX … En premier, le fait d’intégrer les coûts de la MeD au National, dans un principe de péréquation (et ainsi retirer aux CT la charge de financement de la MeD, hors mise à dispo liens de collecte FO), relèverait du bon sens … En second, travailler sur une « redevance du cuivre » modulée dans le temps (de 8€ à 10€50 ?) , pour que les FAI dégroupeurs aient intérêt à accompagner la MeD dans un premier temps en captant des abonnés , puis à les passer en Fibre, à l’horizon +5, +10 ans … En troisième, si jamais il est autorisé, surtaxer les zones de déploiement VDSL2…qui j’en suis convaincu risque d’arriver dès le NR pricipal de certains Bourgs ciblés FttH par les RIP…
    3- valoriser l’arrivée en « offre bitstream activée FO » des grands de l’oligole ADSL, sur les plaques RIP …

    Bien évidemment, ce travail sur la redevance cuivre, NE DEVRAIT pas être ré-imputé aux abonnés « 1 pour 1 » … On appellerait cela la « Taxe FANT abonné »… !?

  3. Tu crois que FT est habilité à lever des taxes ? Je suis un peu innocent, j’avais toujours cru que ces 9 € correspondaient aux frais fixes du réseau (en gros, aux charges d’amortissement)

  4. Juste un petit commentaire , JP, pour te dire *merci* pour ce discours (ici en vidéo).

    Je ne partage pas forcément ton point de vue sur l’activation du réseau lui-même (« on va pas vous demander de tirer ou d’exploiter de la fibre c’est un métier compliqué ») : En effet, ce que je constate au niveau des opérateurs d’opérateurs, à Pau comme ailleurs, c’est ce ces opérateurs d’opérateurs *privé* sont souvent source de problèmes vis à vis des particuliers. (En effet, ils sont un intermédiaire indispensable, en situation de monopole local et « indéboulonnable » par contrat. Ce qui ne l’incite pas à l’innovation ni à fournir le service à un potentiel conccurent, encore moins un service innovant.
    Par exemple, à Pau, comment faire si je peux souscrire à 2 FAI simultanément ? Ou bien être mon propre opérateur IP ? Ou bien allumer ma fibre en gigabit plutôt qu’en 100M ? Ou bien faire un tunnel L2 entre ma prise FTTH et un opérateur du datacenter ? Ou utiliser mon propre OLT car il se trouve que j’ai mon switch optique et que Sagem , décidément, ça va pas être possible.
    A chaque fois le délégataire m’en empêchera.
    C’est pour ça que pour moi, et je rejoins Niverlan et les autres là-dessus: Une infra publique, d’accord. Mais *gérée* par le domaine public, en TOUTE transparence surtout envers les petits opérateurs, à un prix public, et sans imposer de technologie (Qu’une offre de L2 existe, ok. Mais pas question qu’une offre fibre noire ne soit pas disponible à coté d’elle).
    Si une PME veux une fibre noire entre sa prise FTTH et son POP, elle n’a PAS à être confronté au délégataire, qui va tout faire pour lui vendre des services IP (genre du transit à 25x le prix parisien) alors qu’elle n’en veux pas.

    Ok ce n’est pas la majorité des usages actuellement, j’en conviens. Mais ce n’est pas en subissant la dictature de la majorité qu’on inventera les usages de demain, sinon, autant éteindre le PC et retourner devant TF1.

    Par contre je suis TOUT A FAIT en phase avec votre analyse sur l’impérieuse nécessité que les zones rurales se prennent en main et posent elles mêmes leurs infrastructures d’accueil, en commençant par les fourreaux.
    Moi, poser ces fourreaux en domaine privé ne me choque pas, on peux même imaginer une sorte de convention qui ferais qu’un accès à ce domaine privé est garanti pour des équipes de réparation en cas de force majeure, tel qu’une coupure fibre, et prévoir aussi l’obligation de « prendre soin de ces installations » (C’est comme pour l’eau : C’est pas parce que l’adduction d’eau passe chez vous que vous avez le droit d’attaquer cette infrastructure à la hache. Même chez vous. Idem pour les poteaux électriques ou téléphonique en zone rurale)

  5. Mon passage sur « on va pas vous demander de tirer ou d’exploiter de la fibre c’est un métier compliqué » ou mes explications sur les idées d’auto-construction partielle étaient pas top. Je suis bien d’accord. Sans doute est-ce l’expression de la tyrannie du temps (je devais tenir 10 mn) mais plus surement c’est le signe de mon doute dans ces domaines. Je cherche une vraie expérimentation à ce sujet en France pour comprendre les plus et les moins. Je n’en ai pas trouvé. En connais tu ?

    Je vais mettre en ligne ce jour l’interview de Cyril LUNEAU patron de SFR Collectivités. Il pense lui aussi que plus les Collectivités auront la main sur leur réseau, plus on pourra avoir de concurrence. Et je rajoute plus on pourra aller vers des offres multi-FAI sur une même prise. Quand nous avions désigné Pau, avec G Fauveau, c’est ce modèle là qui avait séduit les élus. C’est ce modèle là qui permettra d’innover à terme sur les services. Encore faut-il que le « marché » fasse aussi son boulot en inventant des services innovants… Et là, c’est encore pas top quand même (sauf dans la mobilité bien sûr).

  6. En France , non, pas encore.
    Mais en Espagne, l’expérience de Guifi.net est très intéressante, d’ailleurs on va demain jusqu’à la fin de la semaine pour un premier contact, et sans doute plus tard aussi pour plus de détails techniques – je vous tiens au courant.

    Mon objectif reste de fibrer un village rapidement, quitte a ne pas avoir de collecte fibre dans un premier temps (ou collecte hors de prix comme c’est le cas en province) pour ensuite exposer le problème et proposer des solutions (*)
    La collecte initiale se ferais bien entendu via un pont hertzien.

    (*) L’une des solutions peux passer a mon sens par un génie civil allégé (aérien) pour faire une première collecte capillaire, mais de prévoir tout de suite un enfouissement progressif des tronçons au fur et a mesure des travaux de voirie. je suis preneur d’idées sur ce sujet – la collecte capillaire en province reste LE gros problème, il n’y a qu’a voir la tête des schéma des réseaux des RIP et des DSP….
    L’autre solution serais de saisir le réseau de France Télécom et exploiter les fibres qui sont, elles , très capillaires mais malheureusement non disponible pour du réseau Data, ou alors a des prix d’éviction.

  7. J’irais beaucoup plus loin : rentrer les réseaux dans le domaine public et les gouverner comme tel. ( La difficulté résiduelle est que, ce faisant, tu boostes de manière formidable le ratio ROE des FAI ; donc que tu attises la guerre entre les gros et la dimension spéculative de l’économie internet)

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