Transition numérique et Responsabilité Sociale des Entreprises, les organismes HLM réfléchissent à leurs engagements dans ces domaines.

L’Institut HLM de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), une émanation de l’Union Nationale des Fédérations d’Organismes HLM, vient de publier une étude nommée « Pour une transition numérique responsable des organisme Hlm ». Les questions, les bonnes pratiques et les solutions esquissées dans ce document à usage interne confirment à quels points les politiques numériques nationales ou régionales gagneraient à élargir leurs bases de travail à ce type d’acteurs d’hyper-proximité. L’initiative de l’Institut préfigure-t-elle donc d’une prochaine plus grande prise de position des bailleurs sociaux dans le numérique ? Nous avons posé la question à Amel Tebessi, chef de mission innovation sociale / RSE et animatrice de l’Institut Hlm de la RSE.

L’Institut Hlm de la RSE est une association loi 1901 dont objet consiste à accompagner le développement de la RSE dans les organismes Hlm. L’étude numérique publiée en Octobre 2017 dans le numéro 5 des « Cahiers de l’Institut » se présente sous la forme d’un document à usage interne . Elle compte plus de 80 pages qui questionnent la transition numérique sous l’angle des principes de la RSE.

L’Institut entend ainsi accompagner les organismes Hlm dans la conduite d’une « transformation numérique responsable ». Pour rappel, si l’on se réfère à la norme ISO 26000 de 2010, les démarches RSE incitent les organisations à adopter un « comportement éthique et transparent qui :

  • Contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ;
  • Prend en compte les attentes des parties prenantes ;
  • Respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;
  • Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations ».

C’est sous cet angle spécifique que l’Institut Hlm de la RSE interroge donc les questions numériques. Il privilégie pour cela les dimensions résumées dans la figure ci-dessous.

Source : INSTITUT HLM DE LA RSE • LES CAHIERS DE L’INSTITUT N 5 • OCTOBRE 2017

Entre technophobie et technophilie, l’étude réalisée entend tracer une voie spécifique pour les organismes HLM. Elle propose de prendre du recul, de distinguer par exemple les « buzz » des tendances de fond, et de mieux qualifier les opportunités comme les éventuelles menaces. C’est une méthode intéressante, malheureusement assez peu courante, et qui pourrait bien permettre aux organismes HLM de déployer un numérique pensé non seulement comme un moyen de renforcer leur mission sociale mais aussi comme un levier à même de stimuler des relations humaines de proximité plus fortes. Ce n’est pas dans ce blog, qui défend de longue date l’intérêt d’une proximité augmentée par des solutions numériques maîtrisées, que l’on contestera cette finalité.

Volonté de déployer des outils numériques à valeurs ajoutées locales, méthode originale, missions sociales des organismes HLM, il n’en fallait pas plus pour nous inciter à promouvoir cette démarche et à interroger son maître d’ouvrage. Nous remercions donc Amel TEBESSI, Chef de mission innovation sociale et RSE, Animatrice de l’Institut Hlm de la RSE au sein de l’Union Nationale des Fédérations d’organismes HLM, de bien avoir voulu nous répondre.

Pouvez-vous tout d’abord nous expliquer pourquoi cette étude a été lancée ?

Amel TEBESSI : Tout le monde constate aujourd’hui à quels points les innovations numériques viennent bousculer l’environnement de chaque organisation. C’est particulièrement vrai pour des organismes HLM dont leur mission sociale génère des responsabilités spécifiques. Traitement des fractures numériques de toutes natures, invention de nouvelles formes de solidarités ou de coopérations, innovations dans les manières de construire ou de gérer les actifs immobiliers, maîtrise des consommations énergétiques, les chantiers s’avèrent immenses. C’est pourquoi l’Institut Hlm de la RSE a décidé d’approfondir la réflexion en questionnant la transformation numérique sous l’angle des principes de la RSE.
 L’étude réalisée vise ainsi à accompagner les organismes Hlm dans la conduite d’une « transformation numérique responsable », en leur proposant des éléments de réflexion, illustrés par des exemples, des bonnes pratiques et des préconisations stratégiques.

Dans ces domaines, les travaux réalisés ont permis d’identifier cinq dimensions majeures à travailler :

  • la relation avec les habitants,
  • le management des collaborateurs,
  • la maîtrise environnementale et technique des activités,
  • l’ancrage territorial de l’organisme,
  • ainsi que la relation partenariale et la maîtrise de la chaîne d’activités.

Chacune de ces dimensions ont été qualifiées avec à chaque fois la mise en évidence d’un message clé.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Amel TEBESSI : Ils sont nombreux. Ainsi, en matière de relations avec les habitants, nous sommes convaincus que le numérique peut constituer un puissant levier pour renforcer la proximité fonctionnelle et sociale que les organismes HLM entretiennent avec les habitants. Le numérique bouleverse en effet les modes de contacts. Il est notamment source de nouvelles modalités d’interactions entre l’organisme Hlm et les habitants. L’étude a d’ailleurs confirmé que le digital ne remplace pas le relationnel, il le complète.

Les organismes HLM ont également une responsabilité particulière en matière de traitement de la précarité numérique. Fracture matérielle, fracture d’usages, la précarité numérique prend bien des formes dans nos environnements. Nous devons les prendre en compte. Plusieurs types d’actions d’accompagnement des publics éloignés de la transition numérique sont qualifiées dans l’étude. En voici quelques exemples :

  • Fournir des terminaux digitaux avec e-services à certains locataires.
  • Installer des bornes numériques en agence proposant des e-services.
  • Équiper les agences et les outils des collaborateurs avec des traducteurs sourds et malentendants et langue étrangère.
  • Mener des ateliers avec des publics seniors pour sensibiliser aux nouveaux usages et affiner le projet numérique.

L’un des leviers numériques étudiés dans l’étude consiste également à donner une place nouvelle aux habitants, par exemple en co-construisant les services avec eux ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

Amel TEBESSI : Les participants aux ateliers organisés dans le cadre de l’étude font parfois état du faible taux d’utilisation ou d’adoption des services numériques qu’ils mettent en place. Nous avons donc préconisé un renversement des méthodes traditionnelles. Les outils et services ne doivent pas être pensés d’un point de vue technique mais du point de vue de l’usager.
 Pour cela, l’organisme Hlm peut se fonder sur les méthodes de co-construction encouragées par les principes mis en avant par la RSE. Il s’agit d’associer un groupe de locataires volontaires (issus ou pas des instances de représentation) à la définition des futurs outils. Cette collaboration trouve d’ailleurs tout son sens dans l’ensemble des phases du projet : sa définition du projet, ses étapes d’ajustements et son évaluation.

Cette co-construction n’est d’ailleurs qu’une des modalités des leviers numériques à même d’enrichir et de personnaliser la relation client. Fondamentalement, nous avons montré de quelles manières une politique numérique maîtrisée peut donner plus de poids au locataire, enrichir sa place dans nos écosystèmes et renouveler nos formes de coopération avec lui. C’est un des points clés je crois.

L’étude aborde également la convergence entre transition numérique et transition écologique. C’est en effet un aspect fondamental pour des constructeurs comme les organismes HLM. Quelles sont pour vous les priorités dans ces domaines ?

Amel TEBESSI : Le cœur du métier des organismes Hlm consiste en effet à loger les ménages les plus modestes et, pour répondre à cet objectif, à construire puis à gérer un parc de logements sociaux inscrits dans le long terme. Dans ces domaines, la transformation numérique peut refondre les politiques environnementales et techniques de l’entreprise. Elle offre en particulier la possibilité d’optimiser nos activités et de tendre vers plus d’efficience. Plusieurs solutions permettent par exemple un meilleur pilotage des consommations énergétiques et des charges associées.

Le principe de « sobriété », mis en avant dans la logique de responsabilité des entreprises prend donc tout son sens. Il s’agit d’éviter les phénomènes de « gadgétisation » qui ne répondraient pas à un besoin réel de l’organisme Hlm, au profit d’une approche mesurée, qui prend en considération l’ensemble des coûts générés par le numérique, avant de choisir les solutions à mettre en place. Par exemple, l’actualité récente a évoqué l’épisode des lits connectés mis en place par un CROUS dans une résidence étudiante. Au-delà de la fronde légitime des étudiants que cette action a pu provoquer, on peut légitimement s’interroger sur le caractère raisonnable d’un tel équipement : quel coût ? Pour quel objectif ? Quel usage ? Les startups sont nombreuses à démarcher les organismes Hlm pour leur vendre les bienfaits de tel ou tel objet connecté qui n’a pas toujours de réelle utilité, une fois la séduction de la nouveauté technologique mise de côté.

A plusieurs reprises, l’étude affirme l’importance pour les organismes HLM de se donner les moyens de maîtriser autant que possible leurs solutions numériques. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Amel TEBESSI : les éditeurs de logiciels sont peu nombreux à intervenir sur le secteur du logement social. Le marché est quasi monopolistique avec deux acteurs principaux. La Profession parviendra à mener sa transition numérique à condition d’en avoir les moyens et de reprendre la main sur les solutions numériques, de se positionner en réel commanditaire qui formule des exigences, demande des comptes et attend une qualité de service légitime, avec des coûts maîtrisés. Il me semble aujourd’hui que ce n’est pas le cas ; il faut rétablir des équilibres de ce point de vue. Je compte sur l’innovation des startups pour inventer des solutions numériques plus performantes, bousculer le marché et rétablir une concurrence saine. Elle est essentielle.

Vos travaux rappellent également à quel point les organismes Hlm sont ancrés dans leurs territoires et évoluent dans un écosystème d’acteurs de proximité. De quelles manières pensez-vous que le numérique puisse enrichir cet ancrage territorial ?

Amel TEBESSI : nous avons des progrès à faire en matière de modes de communication avec nos parties prenantes. Nous pouvons améliorer la fluidité des relations, la transmission des informations, l’association des partenaires… Le numérique peut nous aider à être dans une plus grande réactivité – c’est déjà le cas, un mail va plus vite qu’un courrier postal – et une forme d’horizontalité qui encourage une implication à tous les niveaux. Je pense aux salariés, mais également aux associations, et bien entendu aux habitants. Le numérique peut être support pour créer ou dynamiser des écosystèmes riches sur un territoire, et levier d’intelligence collective.

Plus largement, comment s’engage la transition numérique RSE des organismes HLM ? Quels sont les projets phares dans ces domaines ?

Amel TEBESSI : Les organismes Hlm avancent depuis des années sur le plan de la transition numérique, sous différentes formes, à divers rythmes. Pour certains, le numérique alimente le projet stratégique des cinq prochaines années et constitue une sorte de colonne vertébrale qui promeut la performance économique et sociale, fortement porté par la direction générale. Pour d’autres, le numérique n’est pas un sujet en tant que tel et n’est considéré que comme un moyen matériel de servir des objectifs. Il reste alors du ressort du service informatique. Entre les deux cas de figure, c’est une forme d’arc-en-ciel qui se dessine sur un horizon HLM actuellement plus préoccupé par la gestion du « problème APL » que par tout autre sujet. L’important sur le champ du numérique est de faire en sorte que la colonne des pratiques professionnelles et surtout des services offerts aux usagers ne soit pas trop desserrée afin que nos concitoyens retrouvent une qualité de service à la hauteur de leurs attentes.

Compte tenu de notre environnement, de plus en plus digitalisé, un demandeur de logement social doit pouvoir formuler un choix de logement en ligne, saisir simplement sa demande de logement. Un locataire doit pouvoir prendre un RDV ou payer son loyer en ligne, télécharger un document, signaler un dysfonctionnement, suivre une demande d’intervention… Les organismes y travaillent, tout en préservant la relation de proximité physique et les contacts humains qui font la valeur ajoutée du métier du bailleur social.

5 commentaires sur “Transition numérique et Responsabilité Sociale des Entreprises, les organismes HLM réfléchissent à leurs engagements dans ces domaines.

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  1. Il est certes facile à un bailleur social de créer un réseau de type intranet sur un immeuble, de mutualiser la bande passante et un tas de service, comme un cloud local. Pourquoi n’est-ce pas fait ? Ni par les bailleurs sociaux, ni par les copropriétés ?

  2. On ne peut en effet qu’être surpris du peu de projets pilotes ou innovants dans ce monde des organismes HLM. J’ai cherché sans succès à lancer une expérimentation dans ce domaine. Sans aucun succès… Je le regrette car les projets que l’on a lancé dans des univers très comparables marchent vraiment bien.

  3. Jean-Pierre,
    As-tu les données pour établir une inventaire de la mise en place d’un réseau type intranet généraliste (pouvant mettre en œuvre toutes les ressources du net) (1) par des communes, (2) par des institutions locales disposant de la totalité des compétences juridiques, (3) par des institutions ad hoc locales dont ce serait l’objet ? Je trouve étonnant que la société civile n’ait pas de réactions multiformes devant la préhension par quelques peignes-culs connus de la presque totalité de la valeur ajoutée potentielle du net

  4. Dans la dizaine de projets que j’aide, c’est ce que nous faisons en utilisant une terminologie différente : GFU et non intranet par exemple. La maîtrise de ces solutions est un vrai levier pour relocaliser de la valeur ajoutée localement.

  5. Tu as juste …. GFU me va très bien … faudrait que le ministre en charge du dossier déclare GFU avec pleine capacité juridique tous les sous-répartiteurs de France et de Navarre … si St Jean avait su, ce serait dans l’Apocalyspe ; il n’y aurait pas besoin de réveiller Jacques MÉZARD. J’ai une excuse : ma formation en électronique remonte aux années cinquante, celle en numérique et en réseau de télécom aux années quatre-vingts.

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