La FIRIP s’inquiète des conditions dans lesquelles le rapprochement entre Orange et Bouygues-Telecom est envisagé. Elle a ainsi publié le 29 février 2016 un communiqué dans lequel elle demande un engagement clair de l’Etat. La Fédération redoute en effet que ce rapprochement se traduise par une politique numérique nationale au mieux à deux vitesses, au pire entravée par une position dominante mal régulée des grands opérateurs. Nous avons demandé à Etienne Dugas, Président de la Firip, de préciser son point de vue sur ces sujets.
La FIRIP estime que le rapprochement Orange-Bouygues fait peser de nouvelles menaces sur l’aménagement numérique très haut débit des territoires français. Pouvez-vous nous expliquer vos craintes à ce sujet ?
Aujourd’hui, force est de constater que l’aménagement du territoire repose non seulement sur les grands opérateurs privés (OCEN) mais aussi sur les collectivités. A l’horizon du Plan France Très Haut Débit, ce sont ainsi presque 4 français sur 10 qui verront la fibre optique arriver chez eux grâce à l’action de leurs collectivités via des Réseaux d’Initiative Publique. Dans ce contexte, la perspective du rapprochement Orange / Bouygues fait planer au moins deux menaces graves.
La première est celle de l’inégalité des français dans leurs accès aux offres finales en fibre. Les usagers situés sur des zones RIP pourraient bien en effet ne jamais avoir accès aux mêmes offres THD que ceux situés en zones denses. Tout le monde sait à quel point les grands opérateurs tardent en effet toujours à devenir clients des RIP. Tout le monde sait aussi que rien, dans les conventions actuelles, ne les obligent vraiment à changer de posture. Peut-on accepter une situation dans laquelle les français en zones denses profiteraient de la concurrence entre les services des grands opérateurs et les usagers en zones RIP resteraient privées de ces offres ?
Une seconde menace a trait aux conditions de concurrence et aux risques de fortes distorsions de ces conditions qu’un rapprochement Orange Bouygues imparfaitement régulé laissent redouter. Le nouvel ensemble Orange-Bouygues Telecom sera quasi dominant puisqu’il va peser près de 50% des parts de marché et même près de 75% sur le marché Entreprises. Les grands opérateurs risquent donc à terme de verrouiller le marché télécom Entreprises. Les initiatives des autres opérateurs, RIP compris, étant de facto découragées du fait d’une rentabilité impossible à tenir.
Comment vous semble-t-il envisageable de gérer ces risques ?
Afin d’assurer l’égalité de tous les français dans l’accès aux offres THD finales et de créer les conditions d’une concurrence loyale pour tous les opérateurs, il faut garantir un équilibre et une complémentarité entre les zones conventionnées et les zones RIP. Pour cela, l’Etat doit entendre toutes les parties dans ce dossier, pas seulement les grands opérateurs, mais aussi les collectivités et les petits opérateurs. Il doit en outre s’assurer, en tant que premier actionnaire, que le nouvel acteur Orange Bouygues devienne enfin un partenaire actif des RIP. Nous espérons qu’une annonce sera faite rapidement dans ce sens et au plus tard lors des Etats généraux des RIP à Deauville le 15 mars prochain.
Ne pensez-vous pas qu’il manque un instrument de coordination entre les RIP ? Si oui, qui pourrait enfin tenir ce rôle ? Faut-il vraiment attendre que l’Etat joue ce rôle ?
Il est certain que les collectivités ont tout intérêt à se grouper, au moins pour la partie «commercialisation » de leurs réseaux d’initiative publique. Le mouvement est déjà amorcé puisque l’on voit se développer, ça et là, des initiatives du type « SPL (Société Publique Locale) » par exemple. Qui plus est, la FIRIP suit avec attention l’étude de faisabilité qui a été lancée par la FNCCR avec une vingtaine de territoires concernant la mise en place d’un opérateur national de commercialisation des prises FTTH des réseaux d’Initiative publique.
Début 2014, annonce du rachat de SFR par Numericable. Résultat immédiat : Stand-by. « On attend 2015 pour jauger la position du nouveau groupe ».
Début 2016, annonce du « rapprochement » entre Orange et ByTel. Même cause même effet.
On prend les paris pour début 2017 ? « On attend le nouveau Président ».
Puis 2018 : « On attend les premières décisions du nouveau Gouvernement ».
Et pendant ce temps-là, Chattanooga, USA, quatrième ville du Tennessee, au bord de la faillite début 2000, offre le 10-Gbit/s à tous ses résidents et entreprises.
Comme disait notre indispensable Coluche : « Choisis ton camp, Camarade ».
C’est sûr que d’élections en rapprochements industriels entre opérateurs, on prend plus que du retard. On paie encore et encore aussi les erreurs structurelles des plans THD et des fausses conventions au coeur des zones denses, erreurs des deux derniers présidents de la république.
Ne pas croire que numérique français n’est pas piloté : il est piloté par des forces obscures et en vue de buts inavouables dans une société affichée démocratique ; pas par l’intérêt public, ni par le gouvernement. Nicolas SARKOSI ou François HOLLANDE n’atteignent pas le niveau de compréhension du numérique, ni de pratique d’un collégien de 4ème ; comment pourraient-ils avoir une vision politique majeure de l’économie de la connaissance ? Jamais vu un singe conduire un cheval. Sinon, comment expliquer que depuis l’adoption du standard IP, qui ouvrait une route royale à la mise en valeur de nos ressources nationales, la position relative de la France n’ait cessé de se dégrader mesurée à l’aune de l’égalité des citoyens et des territoires devant la loi ; mais aussi, par rapport à l’ensemble des pays développés ou non. Comment avoir du courage politique lorsque n’existe aucun combat politique digne de ce nom ?
Il existe un moyen de trancher le nœud gordien de l’empire numérique en France : laisser se commettre la noce Bouygues-Télécom avec Orange : les mariés font peur à la volaille morte … et le lendemain, renationaliser l’ensemble des réseaux : France-Télecom, RFF, certes ; mais aussi EDF ; mais aussi les réseaux d’ondes électromagnétiques un peu totalitaire comme celui de la télé ou des ondes moyennes radio.
En privant Orange de réseau, le politique la privera de son pouvoir d’opposition à la puissance des réseaux locaux et rétablira à leur juste valeur ses services plus ou moins bidons.
@Bernard : Une autre option (car celle que tu décris là a très peu de chances d’être appliquée, hélas) est de tout reprendre de zéro, en local/local. Si ma mémoire est bonne, juste pour donner un exemple illustrant ma pensée, l’empire E. Leclerc a commencé dans une petite bourgade Bretonne…
Tout reprendre depuis la base… On butte sur cette option depuis des années sans avancer. Les expériences réussies dans ce domaine, en terres gauloises tout au moins, restent l’exception non ?
Oui Jean-Pierre, tu as raison. Nous buttons tous depuis des années sur cette option « Local/Local ». Cependant, les exemples d’initiatives réussies sont nombreux ailleurs en Europe et dans le Monde, dans le domaine du THD comme celui connexe de l’Energie.
Donc, nous pouvons raisonnablement penser que nous avons raison sur le fond.
Sans doute la forme est quant à elle a revoir entièrement.
Je suis désormais convaincu que la clé se trouve chez Uber & Co.
Nous devons toucher les gens au porte-monnaie, comme disent les Médias. Axer la communication sur les économies réalisées, qu’elles soient financières ou temporelles, ou les deux.
@marc,
Oui, mon idée de base pour renationaliser le réseau est, bien entendu, de permettre au local de monter en puissance sans avoir besoin ni de l’approbation ni de la bénédiction des quatre garnements pervers. L’idée de proximité augmentée de Jean-Pierre permet d’envisager une augmentation de puissance plus importante que celle que donnerait le simple calcul de la densité réelle constatée. Reste à ce que les collectivités locales se saisissent des pouvoirs que lui accordent la loi et n’hésitent pas à dégrouper pour obtenir au moins que le réseau soit entretenu. Ce qui s’est passé dans l’Ain est vraiment une agression contre le peuple. Il est sûr que tant que les RIP auront besoin des fournisseurs d’accès pour être « rentables », aucune évolution vers la puissance locale n’est possible ; mais cela veut dire aussi que les fournisseurs d’accès dispose d’un droit de tirage sur la valeur créée supérieur au service qu’ils rendent. Les RIP ont besoin d’être puissants, pas rentables. Il n’est ^pas si loin le temps où les P&T apportaient des recettes à l’État du même ordre de grandeur que FT pour un coût à l’usager du cinquième que ce que prétend titer Orange. Je crois cauchemarder lorsque je constate que mon abonnement 100 méga/s à Numéricable m’apporte 95 méga de débit descendant pour 4,2 méga de débit montant.
… que prétend tirer Orange …