Retours sur le forum des territoires THD

DSC_1433_jpgLe 6ème forum des territoires THD d’Altitude infrastructure, organisé notamment en coopération avec Vannes agglomération, s’est tenu les 17 et 18 septembre 2015 à Vannes, dans le département du Morbihan. Cette belle manifestation a été une nouvelle occasion de rappeler à quel point, notamment depuis 2014, les investissements optiques connaissent une forte augmentation. Le temps des Réseaux d’Initiative Publique FttX est, enfin, venu. Comment ne pas s’en réjouir ?  De manière plus implicite, le forum d’Altitude signale toutefois également l’ampleur des questions encore à suspens, notamment au sujet des programmes publics. Conventions dans les Zones d’Initiative Privée encore rares et souvent même mystérieuses ; absence de solutions de mutualisation entre Réseaux d’Initiative Publique et lacunes béantes de l’action publique nationale dans ces domaines ; modèles économiques des RIP de seconde génération toujours délicats ; stratégie services publics THD encore aux abonnés absents… Le chemin à défricher pour réussir pourrait bien nous obliger à passer par quelques détours aussi passionnants qu’inconnus à ce jour du Plan National Très Haut Débit. Retours donc sur les off du forum.

Avant cela, quelques mots sur le format de la manifestation et sur une organisation particulièrement réussie. Une soirée conviviale, une matinée de débats, un public volontairement réduit, on est loin des grandes messes traditionnelles. Chez Altitude, tous les participants peuvent à loisir se rencontrer et échanger ; l’ambiance est sereine et la décontraction reste la règle. Bravo donc à David El Fassy, à Lionel Anselmo et à toute l’équipe d’Altitude. Mention spéciale pour Simon Lancelevée et Julien Profit promus interviewers animateurs. Vivement l’année prochaine avec juste peut-être une suggestion : pourquoi ne pas commencer par le forum proprement dit, de 14h à 19h, et terminer par la soirée afin de prolonger les échanges?

L’heure de la construction des réseaux optiques du XXIè siècle a enfin sonné.

Sur le fond maintenant, le Forum a été à nouveau l’occasion d’affirmer à quel point la France du Très Haut Débit avançait, parfois certes un peu sur le mode « tout va très bien Madame la Marquise ». Comme toujours, pourrait-on penser ? Peut-être pas complètement cette fois. Les statistiques présentées par Acome montrent en effet qu’il se passe bien quelque chose. Les courbes indicielles qui rendent compte des activités des câbliers et accessoiristes Telecom en France le prouvent.DSC_1426

Depuis 2014, les investissements THD décollent. L’indice de l’activité du secteur, qui oscillait autour d’une base 100 en 2008, tangente aujourd’hui autour de 170. L’évolution du parc de prises FttH – FttB suit la même dynamique : on construit désormais plus de 800 000 prises par an contre moins de 200 000 en 2010. L’heure de la construction des réseaux optiques du XXIè siècle a enfin sonné.

Partout ? Pour Tous ?

Partout ? Pour tous ? Rapidement ou tout au moins dans un calendrier maîtrisé ? Selon des modalités de coopération claires et justes entre investisseurs privés et publics? La première table ronde du forum consacrée au vaste sujet « zone d’initiative privée / zone d’initiatives publiques : enjeux et complémentarités » aura sans doute quelque peu douché l’enthousiasme des participants.

L’impression reste celle d’une construction réglementaire inachevée, d’un plan THD structurellement défaillant dés son origine et qu’il faut maintenant tenter de rafistoler à force de conventions délicates à négocier, régulations difficiles et rapports de force dissymétriques. La France trainera-t-elle encore longtemps ce fardeau partagé entre l’actuel et le précédent Président de la République ?

Dans le droit fil de cet article de mai 2015, il est tentant d’examiner la longue liste des questions non résolues. Mais il faudrait un autre format pour cela…  Rappelons juste ici que la transition en cours entre la première génération des Réseaux d’Initiative Publique et ceux de seconde génération se construit encore et toujours selon les mêmes logiques.
•    Elle accorde une exclusivité de fait aux opérateurs-constructeurs du marché dans les zones denses, rendant ainsi de plus en plus difficile le recours aux solutions de péréquation pourtant à la base de la construction de tous les réseaux d’intérêt public.
•    Elle persiste dans le refus incompréhensible de considérer les Collectivités Territoriales comme de possibles co-investisseurs dans ces zones d’initiatives privées.
•    Elle fragilise les modèles économiques des investissements des Collectivités Territoriales en zone d’initiatives publiques, en particulier à cause de leur forte dépendance envers des fournisseurs d’accès non tenus à s’engager dans ces RIP.

En tentant de prendre un peu de recul sur les débats de Vannes, deux sujets émergent toutefois comme autant de préalables aux succès des programmes THD publics.
1.    Le premier concerne la définition enfin claire des droits et devoirs des investisseurs privés non seulement en zone d’initiative privée mais aussi hors de ces zones. Ce premier point a été débattu à Vannes.
2.    Le second incite à aborder dans un même projet à la fois les programmes d’investissements publics Fttx et les projets de services locaux, par exemple ceux des villes ou des territoires intelligents. Ce second facteur n’aura été qu’effleuré dans les conférences consacrées aux smarts cités. Nous l’aborderons dans un article à venir.

Aménagement numérique et asymétries contractuelles

Le premier temps du forum était consacré aux complémentarités entre zone d’initiative privée et zone d’initiatives publiques. Il aurait pu être rapidement mené à bien par une formule lapidaire : circulez, il n’y a rien à voir !

Si l’on excepte en effet quelques Collectivités ô combien justement rebelles, comme Vannes Agglo, ou quelques RIP THD ayant heureusement démarrés avant le PNTHD, la loi a quasiment stérilisé l’investissement public dans les zones urbaines. Circulez jeunes collectivités immatures, il n’y a en effet rien à voir. Ni engagements contractuels précis de la part des opérateurs privés, ni conventions opérationnelles, ni pénalités en cas de non respect des engagements… Rien ! Ou plutôt presque rien car l’actuel spectacle d’un État qui a oublié de fixer les règles du jeu avant de jouer et qui tente maintenant de contractualiser à postériori ne manque pas de piment…

Dés l’opération Grand Emprunt lancée par le précédent Président de la République, on a figé des pans entiers du territoire sans véritables engagements des grands opérateurs bénéficiaires. L’État n’a prévu aucune mesure de contrôle efficace. Il n’a pas non plus déterminé quelque sanction que ce soit en cas de non respect desdits engagements. Il a même oublié toute mesure incitant lesdits opérateurs à s’engager hors des zones d’initiative privée.

Ces décisions étranges ont été confirmées, au printemps 2013, par l’actuel Plan national Très Haut débit. Le sujet semble même être passé par pertes et profits dans le serpent de mer de la ou des futures lois numériques. Nous verrons bien. Nous avons tenté en vain d’interroger Axelle Lemaire à ce sujet. Et maintenant, dans des conditions qui paraissent encore obscures, l’Etat tente de négocier de vraies conventions avec les opérateurs bénéficiaires en position de rapport de force grâce à la réglementation. Abracadabrantesque ? C’est en tout cas le terme qui semble le mieux résumer la position des nombreux intervenants du forum. Opérateurs privés, entrepreneurs, élus, techniciens, animateurs associatifs, ils ont tous regretté la dissymétrie des règles en matière de THD.

Peut-on enfin sortir de cette impasse contractuelle avérée ? Rêvons un instant en suggérant deux premières mesures.
•    L’une consisterait à négocier avec les opérateurs bénéficiaires des zones d’investissement privé pour que, dés qu’un RIP THD se met en exploitation en contiguïté de ladite zone, ils en deviennent client. On aurait ainsi enfin à la fois un premier levier de type péréquation et un moyen sûr de consolider les modèles économiques des RIP.
•    L’autre passerait par un élargissement de la pratique de co-investissements aux Collectivités Territoriales et à leurs RIP. Comme c’est le cas pour tous les opérateurs Télécom du marché, la puissance publique pourrait ainsi investir pour le déploiement de ses réseaux THD sur son territoire, par exemple pour interconnecter tous ses bâtiments publics, ses écoles, ses lieux santé… Réduction des dépenses informatiques et télécom, distribution plus simple de services publics en ligne, mutualisation de moyens… L’investisseur public serait aussi enfin un investisseur comme les autres ; il aurait par exemple accès aux mêmes informations que les autres et bénéficierait des mêmes effets de mutualisation.

Ne faut il pas faire plus avec moins en ce moment ? C’est en tout cas ce que l’on nous dit.

8 commentaires sur “Retours sur le forum des territoires THD

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  1. Apparement, personne n’a parlé ou soulevé les failles « positives » du Plan France THD.
    Tant mieux.
    Ainsi, la solution #THD #Rural sur laquelle certains travaillent (en mode fantôme) sera d’autant plus puissante.

  2. Jean Pierre
    C’est comme si j’y avais été ;

    La France a bien du mal avec le numérique

    Gardons espoir et nos convictions

    B cdlt Pierre

  3. Merci Jean-Pierre de ce retour, flatteur qui plus est! Tes propositions d’évolutions, tant sur la forme que sur le fond, sont bien notées, ainsi que ta suggestion de faire preuve d’une dose supplémentaire d’impertinence.
    A bientôt!

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