Pour un wiki modèle très haut débit rural.

Mon ami Olivier ZABLOCKI me signale ce matin cet excellent article de InternetActu. Prenez le temps de le lire, de le faire votre. Prenez le risque ensuite de rêver une mise en expérimentation… Dans quels domaines ? Vous le savez, la palette des choix parcourt toutes les couleurs de l’arc en ciel. Il faut tout de même choisir ? De manière totalement aléatoire, au débotté de ce beau matin bleu des Pyrénées, je sélectionnerais donc une piste : innover pour inventer la pierre manquante de la civilisation du numérique en construction dans notre pays : les réseaux très haut débit en milieu rural.


Pour ceux qui parcourent ce blog , comme ceux des amis, vous le savez nous sommes nombreux à penser qu’en suivant les modèles actuels organisés autour du couple marché-concurrence, il se passera des années, longues et sombres, avant de voir de la lumière dans les fibres improbables de nos campagnes.

Ceux qui suivent l’actualité savent aussi qu’il manque à ce jour un « acteur » français pour l’aménagement rural. L’ARCEP régule le marché mais ne joue pas quand il n’y a pas de marché. Les missions ou les moyens de la DATAR restent encore à consolider dans ces domaines. La Caisse des Dépôts gère les fonds des « investissements d’avenir » et conseille. Les 7 expérimentations THD rurales lancées par le Gouvernement seront sans aucun doute utiles mais ne semblent peut-être pas participer de l’invention d’un modèle adapté aux spécificités des zones peu denses. Ce modèle semble pourtant indispensable.

Il faut donc tester, se tromper, expérimenter et prendre des risques. C’est dans ce domaine qu’il y a sans aucun doute nécessité de « répondre à l’injonction d’innover » comme le titre d’Internet Actu le suggère. Innovons donc. Mais sur quelles bases ?

L’article d’Internet Actu exprime les principes fondateurs sur lesquels l’innovation THD rurale se dessine dans les groupes de terrain qui s’organisent aujourd’hui souvent en marge des opérations institutionnelles. Comment travaillent-ils ?

Ils érigent d’abord  en méthode un fonctionnement en réseau et une nouvelle manière de produire de la connaissance. «  L’internet nous permet d’arriver à “l’âge de la connaissance distribuée”, à l’ère de la connaissance en réseau. » Don Tapscott cité par InternetActu .

“Jusqu’à présent, les révolutions avaient toujours une structure, une organisation, des figures intellectuelles à leurs têtes… L’Egypte ou la Tunisie nous montrent un autre type de révolution, les “WikiRévolutions””, explique le célèbre Don Tapscott, professeur de management à l’université de Toronto, président du think tank Moxie Insight et surtout auteur (avec Anthony D. Williams) du bestseller mondial Wikinomics et de sa suite, Macrowikinomics qui vient de paraître.
Grâce aux médias sociaux, le coût de transaction de la collaboration a changé et ces médias ont bouleversé la façon dont les gens collaborent. En Tunisie, les gens par exemple prenaient des photos des snippers pour les dénoncer à l’armée qui les soutenait…

Cette wiki méthode produit sans aucun doute de la connaissance. Elle exprime surtout pour moi la force d’un principe fondateur. Cette nouvelle humilité née de la conviction selon laquelle nous ne disposerions pas aujourd’hui du « bon logiciel » pour solutionner la question de l’aménagement numérique rural.  « Réapprendre à apprendre » martelait Edgard Morin dans le premier tome de La Méthode dés les années 1977. Visionnaire, il annonçait l’ère de la distribution de la connaissance en réseaux ouverts. Cette posture incite à inventer un nouveau modèle.  On en voit quelques-uns des grands principes.

  • nécessité de disposer d’un point de collecte avec un prix du Mbps bas et de déployer de proche en proche,
  • obligation de vérifier l’adhésion du plus grand nombre afin de disposer d’un parc de pré abonnés suffisant avant de lancer des travaux,
  • importance de réduire les coûts de déploiement sans rien sacrifier, au contraire, à la qualité desdits travaux,
  • nouveaux web-services, notamment d’hyper proximité, à tester…
  • vrais partenariats publics privés à développer,
  • nouveaux métiers à inventer, par exemple les artisans courant faible,
  • et surtout approche collective à tenir fermement dans une démarche projet et non dans une nouvelle instrumentalisation stérile de la démocratie participative.

D’autres solutions restent à trouver mais ce wiki modèle paraît peut-être suffisamment avancé pour être mis en expérimentation. Quelques passages du papier d’InternetActu font sens.

« Nous devons reconstruire le monde et ses institutions autour de nouvelles séries de principes, propose Tapscott : à savoir la collaboration, l’ouverture, le partage, l’interdépendance et l’intégrité. Que peut-on créer par la collaboration massive ? Que peut-on créer avec l’ouverture, l’hyper transparence ? Que se passe-t-il quand les entreprises sont mises à nues par les usagers ? Comment développer une “stratégie de la transparence” tout en faisant attention de ne pas confondre la transparence (les institutions qui dévoilent toujours plus d’information sur elles-mêmes) et la vie privée, l’intimité (qui elle protège les individus) ? Comment trouver des solutions pour que les modèles d’affaires s’expriment par le partage – plutôt que par des poursuites à l’encontre des utilisateurs comme l’a trop fait l’industrie du disque ? »

…. Toutes les institutions internationales montrent leurs limites (la banque mondiale, l’ONU, le G20 comme le G8…). A Copenhague, comme à Cancoon, les organisations n’arrivent pas à s’entendre… En attendant, des millions de personnes se mobilisent et agissent concrètement, comme le montre certaines initiatives modèles telles Eye on Earth ou Ushahidi. Nous sommes dans une époque de profond changement, où les gens peuvent communiquer et adresser les grands problèmes du monde. Le pouvoir passe des institutions habituelles, vers des outils plus modernes et des organisations en réseau.

Et Don Tapscott de conclure son exposé en montrant une vidéo avec force violon montrant un fourmillement d’oiseaux en vol (le swarming), la “murmuration nocturne” des oiseaux, qui volant en groupe, décrivant de larges cercles, se réchauffant avant l’arrivée de la nuit, agissant en groupe, sans dirigeants, globalement. Il n’y a pas d’accidents dans ces phénomènes de swarming estiment les spécialistes. C’est une collaboration de groupe fondée sur l’ouverture et le partage. Il y a une interdépendance entre les intérêts des individus et ceux de la masse. “Pourrions nous créer, une intelligence, une conscience qui va au-delà de l’individu ? L’ère de l’intelligence réseautée sera-t-elle celle des promesses tenues ? Pourrait-on créer de tels types de conscience au sein d’une société pour résoudre les défis auxquels nous allons être confronté, pour reconstruire le monde cassé dont nous héritons ?”

Les paradigmes changent et, parfois, à ces changements répond la lancinante petite musique de l’injonction d’innover. Lancinante et souvent peu efficace. Qu’est devenue par exemple en 2011 la stratégie de Lisbonne, votée par l’Europe, dont l’objectif consistait à  faire de notre continent le leader de l’économie de la connaissance ? Echec. On ne devient pas leader d’une économie dont les paradigmes changent à grande vitesse en conservant les vieux fonctionnements verticaux.

Alors que peut-on faire ? Quelle est notre mission ? s’interroge Hammersley. “Nous n’avons cessé de parler d’innovation, de technologie, de rupture… Mais ces mots ne nous ont pas aidés à convaincre, à faire comprendre de quoi nous parlions. Notre premier problème n’est pas d’encourager l’innovation : les gens vont innover de toute façon. Notre premier problème est de traduire l’innovation entre ceux qui ne la comprennent pas et ceux qui la vivent sans la penser. Nous devons ouvrir le chemin pour que les plus jeunes puissent passer avec cette révolution. Notre premier problème n’est pas l’innovation, mais de la traduire pour que tous la comprennent. Demandons-nous comment pouvons-nous expliquer à notre mère, à notre patron, ce que nous faisons… Expliquons-leur. Traduisons-leur. C’est cela qui est important. C’est en tout cas bien plus nécessaire que d’encourager les gens à innover.”

Parce que le THD rural ne marchera pas avec les vieux modèles, c’est un formidable laboratoire pour en inventer de nouveaux sur ces bases.

6 commentaires sur “Pour un wiki modèle très haut débit rural.

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  1. Jean-Pierre,

    Il semble, en effet, qu’une application de type wiki soit, actuellement, la meilleure solution pour mener un débat par des relations presque normales sur internet.

    L’objectif d’ « innover pour inventer la pierre manquante de la civilisation du numérique en construction dans notre pays : les réseaux très haut débit en milieu rural. » me paraît correspondre aux travaux qui nous occupent et donc susceptible de faire avancer rapidement la syncrétisation, dans un projet robuste, des apports de chacun.

    La question est de trouver le coordonnateur génial qui va s’y coller. Coordonner un wiki semble, a priori, ne pas demander plus de temps que tenir un blog à jour.

  2. On réfléchit à un wiki avec les copains de la liste de diffusion Ftth. Tu en est ? Sur le chapitre FT je te verrai bien comme contributeur en chef.

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