Je vous signale un article intéressant des Echos de ce jour 10 janvier 2011, signé de Solveig Godeluck, titré « Les opérateurs déploient péniblement le très haut débit dans l’Hexagone« . Solveig, qui connait bien ces questions, y fait état des tensions grandissantes entre syndics et opérateurs Fttx en ville. Quelques citations :
Le très haut débit se fait désirer. Au point que dans les grandes villes, certains copropriétaires s’agacent de ne rien voir venir. L’Association des responsables de copropriété (ARC) a ainsi reproché à Free de motiver « près de 90 % des réclamations de nos adhérents contre les opérateurs de fibre optique » avec lesquels des contrats ont été passés. En cause, de « très nombreux dépassements du délai » pour installer la fibre dans les habitations ou des problèmes de raccordement au réseau… Pour Alain Moussarie, conseil en charge des technologies à l’ARC, « Free a fait beaucoup de promesses qu’il ne peut pas tenir. Il ne met pas les moyens à la mesure de l’ambition affichée ». Chez France Télécom, on relativise, sans les nier, les problèmes rencontrés avec Free en espérant qu’ils ne seront que temporaires.
Pour l’instant, le gendarme des télécoms, l’Arcep, ne veut pas sanctionner les opérateurs qui traînent des pieds. « Il y a eu des annonces maladroites et beaucoup d’opérateurs n’ont pas calculé qu’il s’agissait d’un métier nouveau », explique une source proche de l’Arcep.
Ensuite, la mutualisation de la fibre est un sujet épineux. Ainsi, seuls 130.000 logements connectés peuvent choisir leur fournisseur d’accès entre plusieurs opérateurs. Il s’agit des logements dans laquelle la fibre a été installée après que l’Arcep a choisi le cadre réglementaire pour assurer la concurrence dans les zones denses, soit en début d’année dernière. Là, chacun a déployé le plus vite possible avant 2010, sans penser à son concurrent.
Dans le jeu de poker menteur auquel on assiste depuis plusieurs années dans ces domaines, le papier de Solveig confirme la lenteur d’un marché non ou mal régulé. Promesses non tenues, mutualisations épineuses, déploiements lents… On pourrait rajouter travaux souvent mal faits, notamment en domaine privé, innovations services au point mort, refus d’exploiter des réseaux fibre déjà pourtant déployés notamment par les collectivités territoriales, pans entiers du territoire oubliés régulation aux abonnés encore absents…
Vous avez « le 22 à Asnières « ? Peut-être mais dans la concurrence… Au moins dogmatiquement on est droit dans nos bottes. Immobiles certes mais droits. Est-ce l’essentiel ? Je ne le crois pas. J’avoue ainsi parfois ne pas tout comprendre…Pourquoi ce qui a été fait pour l’électricité n’est pas possible pour les réseaux numériques ? Comment sortir de cette immobilisme idéologique du « tout concurrence » dont pourtant les faits démontrent les impasses ? A quoi servent les expérimentations THD récemment annoncées par le Gouvernement pour résoudre ces questions. Les mauvaises langues diront « il en est des expérimentations comme des commissions »… il s’agit de donner l’illusion de l’action pour surtout ne rien faire. Ce sont sans conteste de mauvaises langues non ?
Je crains surtout qu’il s’agisse de donner l’illusion de l’action non pas pour ne rien faire mais plus certainement pour balancer dans l’air quelques leurres propres à détourner l’attention de ce que l’on est réellement en train de faire (c’est qui « on » ?).
La lecture de Solveig Godeluck aujourd’hui m’a fait songer à son livre publié du côté de 2002 La Géopolitique d’Internet (La Découverte). En relisant une note de lecture de Pierre Mounier / Homo-Numericus de l’époque, je tombe sur cette phrase : sous l’espace virtuel, on ne peut ignorer la réalité physique des infrastructures qui le font exister… […] et ce d’autant moins que la structuration physique des réseaux et leur répartition sur la surface de la planète trouvent leur miroir exact dans la structuration et la répartition des flux de données qui signalent les usages.
Miroir, mon beau miroir…
J’ai l’habitude de dire que le problème du FTT-H, ce n’est pas le H mais le V.
Dans ce pays, tout le monde (opérateurs, installateurs) sait faire du H, aka l’Horizontal. Tirer un câble optique entre NRO et pied d’immeuble, le moindre installateur sous-traitant d’un Vinci ou d’un Eiffage connait sur le bout de la cliveuse : c’est son quotidien depuis toujours. En effet, au début des années 80, il construisait les artères longue-distance de France Telecom ou de la SNCF; fin des années 90-début 2000, il intervenait pour les opérateurs alternatifs qui déployaient alors leurs backbones pan-européens, dans les champs ou le long des autoroutes; début des années 2000, il entrait dans les villes pour construire les premières boucles locales optiques.
Depuis le milieu des années 2000, on lui demande d’intervenir chez nous, pour déployer ces fameux réseaux fibre-à-l’abonné qui nous occupent tant ici. Et c’est là que commence le drame. Aucun des installateurs ‘traditionnels’ du monde télécom ne sait entrer DANS les immeubles (et pire encore, les pavillons). Obligations légales et contractuelles liées au domaine privé, comportement avec les résidents, gestionnaires et propriétaires, qualité (y inclus propreté) des installations, etc. : autant de paramètres peu ou mal maîtrisés par la plupart des installateurs.
Rajoutons à ces multiples problèmes d’ordre technique les aspects purement commerciaux, opérateurs privés oblige, secouons un peu, et nous obtenons la situation actuelle qui fait du Vertical le véritable talon d’Achille du FTTH à la française, alors qu’il en est également la clef.
A la décharge des techniciens, il faut souligner un élément fondamental : le prix des prestations fixé par les opérateurs est tel que l’installateur ne peut réaliser que le strict minimum, avec les matériels, les méthodes et les délais qui lui sont imposés.
Par exemple, impossible de répercuter le coût du déplacement sur la construction de la colonne optique. Alors qu’il suffit de se promener en pleine journée dans les rues d’Asnières ou de Boulogne-Billancourt pour se rendre compte que simplement garer la camionnette n’est pas une synécure…
Pour rejoindre une discussion entamée par ailleurs, on ne pourra sortir de ce cercle vicieux qu’en adoptant une démarche radicalement différente. Une démarche industrielle, basée sur l’auto-financement de la construction et de l’exploitation des infrastructures, adoptant le b-a-BA du Marketing Produit: connaître le marché, le client-final, les utilisateurs potentiels, bâtir la grille tarifaire à partir du coût réel des composant(e)s et non pas d’une simple feuille de calcul éditée par la direction financière, maîtriser les contraintes du marché et du terrain, etc.
Comme le disait Ma Grand-Mère, on n’est pas sorti le c*l des ronces !
Et Dieu sait si des ronces il y en a en Lozère ! et des grand mères aussi (bon ppourcentage de « vieux » dont ma pomme!)
Mieux vaut en…chanter !
Il y a l’adage : »Lorsque quelqu’un commet des actes qui ne correspondent pas à son discours, c’est la preuve que l’analyse n’est pas faite. »
J’ai écouté le discours de Xavier NIEL hier sur M6 : il est manifestement à l’affût d’un coup fumant du même calibre que la box. Pour moi, il est dans la position de Jules César qui aurait, par intuition géniale, construit l’Autoroute A10 plutôt que la voie domitienne. Faudrait peut-être que quelqu’un souffle aux industriels du net, que la puissance des réseaux se joue sur la sous-boucle locale, pas sur les backbones.
Faudrait aussi s’attaquer au tri des « produits internet » entre produits commerciaux, services publics, et biens communs ( par exemple, la connaissance) : percevoir un péage sur la connaissance déposée gratuitement sur le net relève de la violence commerciale. Faudrait peut-être que quelqu’un rappelle aux politiques que les civilisations qui ont fini par croire que la seule plus value était commerciale se sont cassées la gueule.