Google a donc promis à notre Président de la République, le 23 janvier 2018, d’offrir annuellement une formation numérique à 100 000 français. Le premier atelier ouvrira d’ailleurs, et peut-être n’est pas le seul paradoxe de cette annonce, dans l’une des villes iconiques d’un digital qui cherche à se libérer, Rennes. Faut-il s’en réjouir ? Est-ce vraiment une marche en avant vers « France is back » ? Faut-il plutôt considérer cela comme une preuve de plus de l’ampleur de notre défaite dans les combats pour l’invention des civilisations numériques d’aujourd’hui et de demain ?
Les 3000 heures que j’ai passées, dans les quinze dernières années, avec des groupes d’étudiants, de responsables locaux ou d’entrepreneurs, ne me confèrent aucune légitimité particulière dans ces domaines, sauf peut-être celle de pouvoir témoigner. Parmi d’autres observations, deux faits me frappent d’ailleurs quasi quotidiennement et alimentent mes doutes quant à ce projet Google formation France.
Web 2.0, levier d’un Internet qui se referme
Le premier concerne les comportements des générations Y et, parfois Z ; celles de mes étudiants d’aujourd’hui. J’observe chez nombre d’entre eux des comportements numériques que l’on pourrait qualifier de consommateurs mécaniques. Ils postent, ils picorent, ils zappent, ils paraissent plus préoccupés par le comment exister que par le pourquoi utiliser, ou pas, ces outils du Web 2.0. On décrivait le web 2.0 comme un web dans lequel l’internaute reprenait le pouvoir… Mais on avait oublié de nous dire qu’il s’agissait d’un pseudo pouvoir limité à quelques détails. A nous le pouvoir de donner, par exemple, nos datas ; aux GAFA celui d’en faire des leviers de domination. Comment contester que l’Internet se referme de plus en plus autour de quelques grandes plateformes qui concentrent de plus en plus de puissance ?
Dis Google, pour qui faut-il voter demain ?
Un second fait tient à la culture numérique des décideurs. J’interviens régulièrement dans les agoras de collectivités territoriales. J’adore d’ailleurs ces moments d’échanges avec des femmes et des hommes, élu-es ou services, qui ont toujours été pour moi de formidables observateurs et analystes de leurs territoires. Un fait me frappe toutefois presque à chaque fois : le cambriolage des leviers numériques locaux par les GAFA passe inaperçu. Les données locales servent aux extraordinaires régies publicitaires de Facebook ou de Google par exemple. Les commerces, petits, moyens et grands, perdent progressivement pied face par exemple à Amazon. Les vrais prescripteurs de demain seront les assistants personnels des champions de l’Internet. Et aucune vraie réaction ! Dis Google, pour qui faut-il voter demain ?
Sur un point au moins, le doute ne semble toutefois guère permis. La formation s’impose bien comme l’un des leviers les plus importants. Lutte contre les fractures numériques, compétitivité, politiques commerciales ou même, par exemple, solutions dédiées transition écologique, rien n’est vraiment possible sans une formation numérique ouverte et libre, interactive, dispensée tout au long de nos vies, accessible partout, à toutes et à tous. Mais le projet « Google formation France » donne-t-il quelques leviers pour un Web 3.0 ou 4.0 plus neutre, mieux maîtrisé et vraiment mieux distribué ? Si l’on se réfère, par exemple, aux contentieux Union Européenne – Google, ce ne serait pas forcément le cas…
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Ange ou démon ?
« La formation s’impose bien comme l’un des leviers les plus importants. » Une évidence que Google a comprise bien avant notre éducation nationale ! ! Alors Google ange ou démon ?
Ange pour offir en urgence une indispensable formation que nos systèmes d’éducation (nationale, autres…) auront bien du mal à nous fournir tant ils sont à des années lumières des nécessaires transformations éducatives ( à moins d’un déclic rapide dans ces institutions suite à une « subite » prise de conscience citoyenne?)
Démon si nous continuons, comme je le répète depuis des années dans mon petiit coin du Gévaudan, à nous comporter en consommateurs inconscients de « coca cola numérique » et si nous fournissons gratuitement, sans même nous en rendre compte, aux GAFA aujoud’hui, aux BATX demain, la « matière première » pour PRODUIRE les services de demain 5payants, eux!), et « orientés » selon leur culture et leurs intérêts ….et je ne parle pas du « , cambriolage des leviers numériques locaux « (j’adore!)
Décidément, comme je le disais récemment dans mes vœux 2018 ? il est URGENT de REFLECHIR !
https://websdugevaudan.wordpress.com/2017/12/18/bonne-annee-2018-intelligente/
Réfléchir… et prendre des décisions non ? J’ai l’impression que le mouvement devrait partir du local, villes, rural…
Bien sur que ça devrarit partir de la base mais pour « bouger » la base il faut aussi une volonté politique locale forte pour organiser la plus large concertation possible !
Des difficultés de la participation (copier coller d’un papier récent sur la Lozère)
La participation des citoyens est un vrai « serpent de mer » ! …plus on parle moins on en fait ! !
En 2009, en sortant d’un colloque j’écrivais « la parole ne fut pas à mon sens suffisamment donnée à la salle en dépit des promesses d’interactivité »
J’étais vraiment naif à l’époque ! https://websdugevaudan.wordpress.com/2009/10/02/assises-numeriquesl%E2%80%99urgence-de-la-concertation/
Deux raisons à mon avis
– « peur »des décideurs ! en donnant la parole aux citoyens les décideurs prennent des risques….de perte de pouvoir, de remise en cause, de débordements difficiles à maitiser, de perdre la face !
-incapacité à animer des réunions participatives …point trop souvent méconnu ou négligé . On ne s’improvise pas animateur de réunion . Animer une réunion est une des choses les plus difficiles qui soient et trop de gens s’intitulent animateurs de réunions sans l’avoir appris !
Or la CONCERTATION est aujourd’hui plus indispensable que jamais et le NUMERIQUE est un excellent sujet de concertation tant il « traverse » tous les aspects de notre vie ! Or les départements ne pourront pas FAIRE PARTICIPER les CITOYENS à une (indispensable) réflexion sur les USAGES du NUMERIQUE s’ils ne disposent pas d’animateurs professionnels connaissant bien le sujet et surtout capables de faire « PRODUIRE » un groupe . Qu’on se le dise !
En Lozère la faiblesse de la population est paradoxalement une opportunité de développer une vraie démarche de CONCERTATIOPN CITOYENNE plus facilement qu’ailleurs car en Lozère tout le monde (ou presque!) se connait;-) .OSONS saisir cette chance!Vite !
Toute technique est, à la fois, la meilleure et la pire des choses ; comme l’a déjà écrit Ésope, 600 avant notre ère. En l’occurrence, l’objectif humain de la formation au numérique serait d’apporter une couche qui potentialiserait de manière significative l’heuristique … nous ne pouvons pas écrire qu’un tel discours soit majoritaire, ni même audible. C’est portant logiquement possible, mais encore intellectuellement facile. Qu’en l’espace d’une génération et demi un point de vue raisonnable ne puisse plus être compris par un français moyen met en évidence les dégâts commis par le 288 chaînes de télé pour tous. J’ai quelques doutes que Google ait rencontré Macron sur le chemin de Damas et qu’il parte « enseigner à toutes les nations ». Faudra bien débriefer les étudiants, voire les soumettre à une cure de désintox.