Mois après mois, réunions après réunions, pertes de souveraineté après abandons de data au profit des GAFA, les erreurs structurelles initiales des décisions en matière de déploiement du très haut débit se confirment. Faut-il donc vraiment se résigner à cantonner les Réseaux d’Initiative Publique dans un strict rôle de déployeurs de câbles optiques ? Peut-on encore raisonnablement penser que le rôle de la puissance publique en matière de développement numérique territorial se limite aux boites noires des délégations de services publics ou aux légitimes efforts de soutiens aux startups ? Nous avons rêvé d’une révolution numérique à même de faciliter les indispensables transitions politiques, écologiques et socio-économiques et on nous propose de recevoir Netflix dans de meilleures conditions. Impossible de s’y résoudre.
Territoires intelligents et Lean Recherche
Dans le précédent article de Numericus, figurait un appel aux aménageurs pour repolitiser les projets numériques publics et pour prendre le temps de se demander pourquoi et comment ? Pourquoi est-il indispensable d’agir aussi numérique dans toutes les opérations de développement de nos villes et de nos villages ? Mais comment le faire pour ne pas devenir, plus encore, une colonie numérique des grandes plateformes ?
Depuis plus de quinze ans, mes travaux universitaires, désormais au sein du Centre de Recherche en Gestion de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, portent sur ces lancinantes interrogations. Ils convergent autour d’une vaste problématique : comment se donner les moyens de se doter de ressources numériques, durablement maîtrisées et créatrices de plus-values locales, par exemple socio-économiques, écologiques ou culturelles ?
Le champ est vaste ; il est semé de centaines d’idées et de milliers d’initiatives. Pour le mener, il a fallu déployer une méthode travail fondée sur des processus de développements, d’expérimentations, de boucles de rétroactions destinées à mesurer et à évaluer. Il a fallu se tromper, recommencer, parfois s’éloigner de l’université, trouver des entreprises partenaires, inventer des modèles pour travailler ensemble, trouver des sites campus de RD, suivre les avis et les comportements des usagers, lire et consulter, valoriser. Quelque chose comme une méthode de lean recherche à même d’enrichir nos apprentissages, voire même, en utilisant cette formule fondatrice d’Edgar Morin dans la Méthode, de réapprendre à apprendre. Le blog Numericus est d’ailleurs précieux dans ce chantier. Merci à ces lecteurs et à ces contributeurs.
Pouvoirs publics plateforme et subsidiarité numérique
De ce vaste chantier toujours en cours, émerge une conviction. Le temps de l’aménagement numérique seul est révolu. Celui de l’action numérique mutualisée créatrice de véritables plus-values locales émerge. Il tarde toutefois à prendre la place fondatrice qui devrait être la sienne. Il y a pourtant désormais urgence. Mais qui pourraient être les « accélérateurs » ? J’ai cru un temps à la carte des opérateurs aménageurs, Axione, Altitude, Covage ; la déception est grande. J’ai longtemps pensé que les Régions pourraient insuffler un souffle nouveau. Elles sont encore perdues dans leur fusion. Big n’est vraiment pas beautiful…
Et s’il repartir des espaces de vie du quotidien ? Et si la refondation numérique nationale émergeait des organisations publiques et privées en lien direct avec l’hyper-proximité ? Enrichissement des services dans l’espace public, réinvention de la solidarité et du commerce de nos villes et villages, solutions de pilotage énergétique des bâtiments, opérations d’aménagement urbain intelligentes, management public enrichi, coopérations touristiques réinventées, autant de points de départs qui pourraient enfin aider à construire nos propres ressources numériques. C’est, je crois, le premier levier à actionner pour passer des réseaux d’Initiative Publique aux Réseaux d’Initiatives Progressistes.
Utopie ? Je suis persuadé que ce n’est pas le cas.
Et si cette approche de proximité ne passait pas par l' »obligation » d’avoir un « référent numérique animateur de territoire »dans chaque conseil municipal ?? https://websdugevaudan.wordpress.com/2014/03/26/un-referent-numerique-dans-chaque-conseil-municipal/
Revenir aux sources de l’Internet : Le Réseau des Réseaux. Revenir aux fondamentaux du Développement Durable : Penser Global, Agir Local. Revenir à l’Essentiel : Les relations Inter-Personnelles…
Mon travail sur la Ville Intelligente depuis bientôt deux ans ici quelque part en Béarn (*) me laisse à penser que la Smart City est sans aucun doute une des seules expressions concrètes du « Numérique » dans lesquelles les opérateurs télécoms sont obligés de d’être uniquement ce qu’ils sont à l’origine : Des constructeurs et/ou exploitants d’infrastructures, pas moins, mais surtout pas plus, point final.
D’où mon credo actuel : Le point de départ, c’est la Smart City (ou le Smart Village, pour ceux qui habitent sur les collines béarnaises).
(¨*) Non, ce n’est pas à Pau, car notre cher François Henry IV Bayrou s’est lui aussi laissé convaincre par un certain opérateur de la même couleur que son mouvement politique que la Smart City est une affaire trop lointaine pour être une priorité…
Bonjour,
Bien dis !
Je propose votre question dans ce sens : Pourquoi est-il indispensable d’agir aussi numérique dans toutes les opérations de développement de nos villes AVANT DE DÉVELOPPER nos villages.
Dans notre petit village d’Ariège, nous voudrions bien un bout de fibre optique pour recevoir Netflix (entre autre) , cela nous permettrai quand même d’accéder à d’autres services « gourmands » , voir d’autres videos … surtout lorsque l’on sait que une belle fibre optique d’Ariège Télécom passe à moins 1km !
D’accord avec le raisonnement de Jean-Pierre … mais sortir du carcan des modèles, surtout économiques … les ménages et la réalité ne font pas le poids dans le débat … une vraie calamité que le pouvoir politique soit formaté jusqu’au niveau maire par des idées économiques qui ne tiennent ni la route, ni l’humanité : absurdes ; plus compétences techniques proches de 0, voire négatives. Aucun processus algorithmique ne parviendra à l’efficience des processus heuristiques … les acteurs du sous-répartiteur doivent prendre la main dans le développement local de l’économie de la connaissance et conserver la valeur ajoutée qu’ils produisent.
Une des manières de mettre en pratique les nouveaux fondamentaux et les nouvelles possibilités économiques est effectivement la méthode Jules FERRY proposée par Pierre YGRIÉ ; l’efficacité passe évidemment par un corps de fonctionnaires de l’État diffusé au niveau communal ; au plutôt, école communale.
Prioriser la puissance et la robustesse du réseau sur la vitesse ; éliminer a priori tous les flux toxiques envahissants (dont NEFFLIX, mais pas que) en mettant en œuvre le mix le plus adapté à l’environnement local.
Un objectif individuel maintenu sera toujours plus efficace qu’un algorithme élégamment exposé censé représenter une réalité plus ou moins éloignée.
Nous pouvons être qu’étonné de constater que les communes disposent de la compétence de mettre en place un réseau local depuis le mois de juillet 1999 … et que, en pratique, il n’en existe aucun.
Le meilleur exemple que nous ne sommes pas dans une stratégie nationale de développement local est celui de Pierre YGRIE qui se bat comme un beau diable, depuis 20 ans, pour la fibre à l’abonné dans son village d’Auxillac : sans résultat. Pourtant son village est à mille mètres d’une sortie active sur le backbone de RFF ; sa commune, La Canourgue, n’est pas à la misère ; elle investit des sommes folles sur des projets futiles qui plombent l’économie locale ; sur son territoire se croisent quatre backbones : un international, deux nationaux, un interdépartemental construit avec une sortie passive tous les 400 m (jonctions de bobine). Résultat : nada.
Il y a quelque chose de pourrie au royaume du Danemark …