Voici quelques années, en ces temps anciens de grandes promesses politiques, les deux principaux compétiteurs aux fonctions supposées les plus hautes de l’État annonçaient une France à très Haut débit à l’horizon 2020. On sentait des frémissements ; des décisions se prenaient, par exemple chez Orange ; nombre de Collectivités Territoriales préparaient les Réseaux d’Initiatives Publiques de seconde génération et, chez les industriels des réseaux THD, les commandes reprenaient. Lois, financements, zonages ou encore, par exemple, innovations services et solutions de solidarités numériques, beaucoup restait à faire mais il semblait possible de replacer la France dans les pays qui comptent en matière de transition numérique. En Février 2014 par exemple, dans un interview donné aux Echos, Antoine Darodes espérait un très haut débit producteur de +0,5% de PIB. Il avait raison. Ce timide mouvement se confirme-t-il aujourd’hui? S’appuie-t-il sur des bases solides ? Est-il durable ?
Beaucoup en doutent et ce printemps 2014 a incontestablement quelque chose d’automnal. Entre gueules de bois électorales, scandales politiques, réforme territoriale prise par le petit bout de ces étranges lorgnettes du seul big is beautiful, organisation étatique du très haut débit national toujours inachevée, difficultés chez nombre d’opérateurs télécom et premiers renoncements territoriaux, l’aménagement numérique reste à marée basse. Et cette basse mer, qui dure décidément trop, ne donne toujours pas l’énergie qui fait défaut en matière, par exemple, de renforcement de la compétitivité des entreprises, d’emplois ou de modernisation des politiques de services d’intérêt public.
Les impatiences grandissent et, quittant les traditionnels off des discussions pessimistes de ces dernières années, les prises de positions se font désormais plus claires. La Gazette.fr a fait par exemple récemment échos aux propos du député de la Nièvre Christian Paul. Celui-ci dénonce la « balkanisation de l’action publique ». Il estime qu’il « faut faire converger les financements publics, simplifier les guichets, a fortiori en période de restrictions ». C’était d’ailleurs la position de nombre de représentants des collectivités territoriales réunies mercredi 11 juin 2014 lors du colloque de la FNCCR. Ces élus ont à nouveau exprimé leur souhait de disposer d’une entité de pilotage du numérique française, neutre politiquement, sans la tutelle de Bercy. Un beau levier de vraie réforme territoriale en somme ! Une réforme pensée non pas au travers d’improbables redécoupages stériles venus d’on ne sait où mais via des vrais leviers de coopération sur projets à même, par exemple, de rendre viable des infrastructures très haut débit et de renforcer leurs impacts positifs dans les territoires.
Mais les Collectivités territoriales sont-elles vraiment encore sur ces positions ? Entre rigidités des documents de planification numérique, complexité des dispositifs et doutes générées par la disparition annoncée des assemblées départementales, là aussi les projets pourraient bien rester à marée basse… C’est ce que redoute notamment la FIRIP. Son délégué observe comme d’autres, dans cet article de DSLValley, l’incertitude qui règne désormais et la mise en attente un grand nombre de dossiers, notamment de déploiement du très haut débit.
Si l’on ajoute à ce sombre tableau les plans sociaux annoncés par Bouygues ou la difficile période que traverse SFR, les complexes serrureries de l’aménagement numérique coincent un peu. Entre toujours possibles avis de tempêtes et probable immense calme plat, la gestion de la transition numérique de notre pays vit décidément une étrange période.
Bonjour, Merci de cet éclairage qui fait écho au livre passionnant de Julien Cantoni « La société connectée » (Editions Incultes). Pour notre part, nous essayons de définir ces territoires numériques par des approches simples telles que celles portées par http://www.territoire-numerique.com. Les usages sont aussi clés. On peut espérer qu’ils soient l’oeuf de la poule ou l’inverse 😉
Je trouve cet article bien pessimiste. La France bénéficie de réseaux télécoms de qualité, de débits élevés et de tarifs parmi les plus bas au monde. Certes, on me dira cela ne va pas durer … Mais les USA n’ont jamais brillé par la qualité de leurs infras télécoms : cela n’a pas empêché de voir l’émergence des GAFA. Les causes de l’incapacité de la France à se saisir du numérique sont à rechercher ailleurs – cf. le rapport du CNNUM sur la littératie numérique ou encore le rapport Erhel/de la Raudière – et en particulier dans le manque de vision des politiques (on se rejoindra sur ce point) mais aussi dans une certaine peur de l’innovation.Et dans ce domaine je ne suis pas convaincu qu’un pilotage national – un « machin » de plus – change quelque chose. Je crois beaucoup plus à l’encouragement des dynamiques horizontales, du type FrenchTech qui est une vraie réussite (à consolider) mixant émulation, implication des acteurs publics et privés locaux et stratégie de valorisation au niveau international.Car pour moi, on est pas à 5 ans ou 10 près pour le THD, en revanche coté services, il y a urgence absolue car c’est aussi la croissance et l’emploi qui est en jeu.