
Alors que l’essentiel de mes efforts actuels se concentre sur l’expérimentation de plateformes de services numériques de proximité, des projets désormais bien avancés et qui se révèlent de plus en plus fertiles, il est réconfortant de constater que, par-delà les modes d’une saison, le succès des solutions orientées sur le renforcement de la qualité des liens sociaux, plus que sur l’empilement de fans et de produits souvent inutiles, se confirme. Dernier signe en date, cette présentation de Loic Lemeur signalée par mon ami Marc Duchesne. Merci Loic, c’est une chouette initiative que de penser LeWeb sur ces sujets.
Il y a quelques années, il y a presque une éternité, en 2005, nous avions commis un ouvrage collectif intitulé Le Lien plus que le Lieu. De puissants indices annonçaient alors déjà les impasses sociales, écologiques et économiques de nos modèles actuels de consommation. L’extraordinaire émergence des BRIC, Brésil et Chine en tête, ne fait que confirmer nos observations. Il faut inventer autre chose mais quoi ? J’avoue ne pas en avoir d’idées précises et le spectacle des débats d’experts, d’élus de tous bords, de grands manageurs m’incite d’ailleurs à penser que, peut-être, je ne suis pas le seul…
Je défends juste une intuition. Et si on se trompait ? Et s’il ne fallait pas rechercher en urgence des solutions mais d’abord inventer de nouvelles méthodes pour trouver ces solutions ? Quelques exemples :
- Des méthodes de gouvernance qui laisseraient moins de poids aux silos 1.0 de la très haut administration publique et privée;
- des méthodes de régulation à même de nous redonner les moyens d’éviter les hérésies financières et monétaires actuelles ;
- des méthodes d’organisation laissant plus de place à l’intelligence collective ;
- des méthodes de communication, loin de la tristesse de la peoplisation ;
- des méthodes syndicales plus enclines à impulser du changement qu’à défendre des temps anciens; des méthodes de pouvoir à la mesure de la complexité grandissante du monde…
On pourrait continuer sans fin la liste de ces dysfonctionnements condamnés presque par tous, surtout par les faits, mais pourtant toujours dominants. Comme si, par-delà les discours, c’était bien aux facteurs de déblocage d’une société qu’il fallait avant tout s’attaquer. Comme si, par-delà nos improductives quêtes de solution, il fallait d’abord se résoudre à retrouver plus de capacités d’invention, plus d’agilité et, même si ce sont des termes parfois trop marqués aujourd’hui, plus de fraternité et plus de capacités à faire ensemble.
Toutes ces observations, les succès des économies de partage ou de consommation collaborative et, plus encore, la fertilité du numérique dans ces domaines devraient, je crois, inspirer davantage tous ceux qui investissement dans l’aménagement numérique des territoires. Réseau haut ou très haut débit d’initiative publique, villes intelligentes, nouveaux mobiliers urbains, plateforme de services numérique d’intérêt public (…), et si le Web des territoires étaient avant tout ce web là ? Un Web déployé comme une méthode à même de donner plus de moyens d’inventer, de mieux consommer, d’anticiper et surtout de retrouver plus de convivialité comme d’envie d’entreprendre ? Les investissements publics numériques ne sont pas une finalité mais un moyen. Le web des territoires, c’est d’abord l’expérimentation de nouvelles méthodes et d’outils collectifs, j’en suis de plus en plus convaincu. Il reste pourtant sans doute à convaincre les investisseurs numériques publics et les industriels des réseaux ou des câbles. C’est un beau chantier qui demandera du temps.
Un lien rajouté le 30 04 2013 qui tente de dresser quelques-uns des portraits types « consommation collaborative ». Le Monde.