Alain MOUSSARIE est Conseiller T.I.C. de l’Association des Responsables de Copropriété. il suit à ce titre les questions liées au déploiement des réseaux fibre optique en domaine privé. Suite au communiqué de presse de l’ARC du 6 juin 2011, et au post de Numericuss, il a bien voulu approfondir quelques points supplémentaires.
L’ARCEP a donc publié récemment sa dernière version de convention type « d’installation, de gestion, d’entretien et de remplacement de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ». L’ARC a exprimé ses plus grandes réserves à ce sujet et parle même de régression. Pouvez-vous nous dire en quoi cette convention type pose problèmes ?
Alain Moussarie : Le texte publié le 19 mai dernier ne tient effectivement aucun compte des demandes de notre association et des propositions développées par l’ARC et favorise une fois de plus le lobby des opérateurs…. Dans sa dernière version, cette convention aggrave même le cadre des relations entre opérateurs et copropriétés, notamment dans les domaines suivants :
➢ la durée de convention passe désormais à 25 ans (…) avec tacite reconduction et supprime même l’information préalable avant l’échéance… quid de la loi Chatel…,
➢ la convention prévoit en outre de maintenir la propriété du réseau vertical par l’opérateur initial au delà de la période contractuelle, favorisant ainsi les litiges entre ancien et nouvel opérateur d’immeuble en cas de changement d’opérateur…,
➢ elle ne prévoit toujours pas de clause d’annulation simplifiée si le fibrage opérationnel n’est pas réalisé sous six mois… et ce au moment où les opérateurs eux-mêmes dénoncent cette situation auprès de l’ARCEP…,
➢ … et elle n’impose toujours pas de fournir le PV de l’A.G. ayant autorisé la convention, ce qui permet aux syndics peu scrupuleux d’imposer un opérateur à l’insu de la copropriété… les cas ne manquent pas…,
liste non exhaustive….
Dans ces conditions, notre Président a saisi Monsieur Eric BESSON, Ministre de tutelle, pour lui faire part de sa vive préoccupation par rapport à ce qui apparaît comme un certain échec…. Nous espérons qu’il saura apprécier le bien fondé de nos demandes et prendre les arbitrages nécessaires, surtout au moment où les opérateurs sont eux-mêmes de nouveau en conflit sur les questions de mutualisation et de délais….
L’ARC appelle ses adhérents à ne pas signer. Vous allez donc préparer une convention alternative ? Dans quel délai ?
AM : Effectivement, l’ARC appelle ses adhérents et usagers soucieux du respect de leurs attentes et de leurs intérêts à boycotter toute proposition basée sur ce nouveau texte ARCEP. Elle rappelle d’ailleurs que ce texte – selon les propres termes de l’Autorité… – ne « vise qu’à fournir des repères » et que tout document sous seing privé conforme aux dispositions réglementaires peut donc lui être substitué…. Notons d’ailleurs que ces dispositions réglementaires – issues du décret 2009-54 du 15/01/2009 – sont finalement peu nombreuses et que les autres dispositions ne sont effectivement que des « repères » que les opérateurs ne sauraient imposer à leurs clients potentiels…. Consciente de cette situation, l’ARC a finalisé un nouveau projet de convention constituant un texte équilibré entre les contraintes des opérateurs et les attentes de nos adhérents. Elle le proposera à la signature de tout opérateur soucieux de respecter ces attentes et intérêts légitimes.
Peut-on avoir une version de ce texte ou tout au moins les principaux extraits ?
A.M : Non, dans la mesure où il est en cours de négociation avec un opérateur… Mais disons que, dans sa première partie, le texte reprend essentiellement celui de la nouvelle convention ARCEP et de ses dispositions légales, mais en le complétant par plusieurs points qui ont été « escamotés » dans ce texte et en modifiant certaines clauses que nous estimons abusives, comme le passage à 25 ans de la durée de convention ou le maintient de la propriété du réseau au-delà de la durée de la convention… malheureusement toujours au détriment des usagers…. Quand à la seconde partie consacrée aux conditions spécifiques, nous la concevons comme une synthèse équilibrée entre les modalités déjà établies dans les conventions ARC et celles des conditions spécifiques des opérateurs, ce qui confirme qu’il est toujours possible de réaliser cette synthèse si l’opérateur est respectueux des attentes et intérêts de ses clients….
Sur le fond, vous faites remarquer que le taux d’abonnement fibre stage actuellement autour de 10%. Comment expliquez-vous cette situation ? Au-delà, On pourrait penser que l’ARC veut freiner le déploiement de la fibre optique ? Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur l’avenir de cette technologie ?
A.M : L’ARC, moins que quiconque, ne veut freiner le déploiement de cette technologie qui deviendra incontournable au fil des années. Nous en voulons pour preuve le fait que nous suivons de très près ce dossier depuis près de quatre ans. Nous avions d’ailleurs conclus trois conventions avant que l’ARCEP ne finalise la sienne? L’ARC a également instruit bien plus de réclamations et de litiges que l’Autorité… Quelle autre association d’usagers peut en dire autant sur ce dossier ?…. Mais nous disons : la fibre, oui… mais pas à n’importe quel prix… même si elle est (théoriquement…) gratuite…. D’ailleurs, comme nous l’avons signifié aux opérateurs le 2 mars dernier, les usagers ne sont pas prêts à signer une convention qui génèrera des contraintes ou difficultés alors que, dans les zones urbaines denses qui sont actuellement en cours de déploiement, ils bénéficient souvent d’un débit ADSL suffisant largement à leurs besoins actuels…. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le niveau d’abonnement stagne toujours autour de 10%….Cela n’a pas échappé à un opérateur comme NUMERICABLE qui a récemment demandé à l’ARCEP d’augmenter les tarifs ADSL pour favoriser les abonnements THD…. Ce qui ne manque pas de saveur (sic) quand on sait que l’activité « Ftth » (tout fibre) de NUMERICABLE est marginale, que sa position de câblo-opérateur lui a permis par contre de prendre 75% (j’ai bien dit les trois-quarts…) des abonnements THD et qu’il serait bien mieux inspiré de dénoncer les surcoûts appliqués par certains opérateurs (FREE et SFR) au nom d’un droit d’accès à la boucle locale fibre purement fictif… d’ailleurs non appliqué par ORANGE….
Ajoutez à cela qu’ORANGE ET SFR ont récemment déposé plainte auprès de l’ARCEP contre FREE pour entrave à la mutualisation et délais de fibrage excessif (FREE ayant fait de même contre ORANGE…) et vous comprendrez pourquoi les usagers pensent qu’il est « urgent d’attendre »…. Ce qui est bien regrettable, c’est que nous n’avons eu aucun soutien de la part de ces mêmes opérateurs quand nous avons demandé que le nouveau texte ARCEP intègre des clauses tendant à mettre fin à ces anomalies… comprenne qui peut.
Quelques remarques, fondées sur ma petite expérience de 25k prises FTTH construites… :
1 – Vouloir la propriété de l’infrastructure, c’est bien et c’est tout à fait normal à la fin de la convention. Savoir correctement l’exploiter et la maintenir en vie, c’est une autre paire de manches. Les propriétaires doivent IMPERATIVEMENT songer dès maintenant à devenir EUX-MEMES opérateurs d’immeubles, ou à tout le moins Maîtres d’Ouvrage. Avec l’impérieuse nécessité de mettre en place TOUS les moyens pour assurer la maintenance de l’infrastructure…
2 – Vouloir la Fibre dans son immeuble, c’est bien et c’est tout à fait légitime au regard de l’évolution des besoins. Encore faut-il que cette fibre de l’immeuble soit raccordée à une fibre de la rue. En d’autres termes plus techniques, que le réseau Vertical soit adducté à UN réseau Horizontal. Sinon, on se retrouve au bout de quelques mois, voire années, avec une belle colonne optique sans aucun service allumé…
3 – Tout cela doit être IMPERATIVEMENT pensé OUVERT & NEUTRE.