Décarboner sans moderniser nos outils publics ? Une impasse !

La décarbonation est chaque jour davantage une exigence opérationnelle. Pourtant, un paradoxe persiste : nous demandons aux acteurs d’agir avec des outils conçus pour un autre siècle. Le reportage « Forêts privées et droit de préférence, notre cadastre est obsolète » met en lumière un exemple emblématique de ce décalage : le cadastre français. Conçu avant tout comme un outil fiscal, il est aujourd’hui inadapté aux enjeux climatiques, forestiers et territoriaux contemporains. Pire : il est devenu un frein là où il devrait être un levier. Ce constat dépasse d’ailleurs largement le seul cas des forêts. Il pose la question de la modernisation des outils publics en général, et, sans le moindre doute aussi, des rôles et des stratégies publiques.

La décarbonation est aussi un problème d’outils

Décarboner ne signifie pas seulement fixer des objectifs ou empiler des normes. Cela suppose de disposer d’outils publics capables de :

  • produire des données fiables et à jour,
  • orienter les décisions économiques,
  • créer des incitations claires,
  • simplifier l’action des acteurs de terrain.

Or, nombre de nos outils structurants, cadastre, registres fonciers, bases de données géographiques, restent figés, cloisonnés, et pensés pour une logique fiscale, non pour une logique de transition. 

Le cadastre en est l’illustration parfaite :

  • données parfois obsolètes,
  • faible lien avec l’état réel des parcelles,
  • aucune intégration des enjeux carbone, biodiversité ou résilience.

Quand un outil public devient un frein à l’action climatique

Dans le contexte forestier, les conséquences sont claires :

  • difficulté à mobiliser les propriétaires privés,
  • manque de lisibilité pour les acheteurs, investisseurs ou collectivités,
  • incitations faibles à la gestion durable.

Dans chaque rapport, on lit, à juste titre, que le, faible engagement des propriétaires forestiers privés est un obstacle. C’est parfaitement exact ! Toutefois, le problème n’est pas seulement l’absence de volonté individuelle, mais l’inadéquation des outils collectifs pour les inciter à agir.

L’exemple finlandais : du cadastre fiscal à la plateforme de services

Le reportage montre qu’une autre voie est possible. En Finlande par exemple, mais cela n’est pas le seul exemple, le cadastre n’est plus seulement un registre foncier : il est devenu une véritable plateforme de services forestiers. Ce que cela change concrètement :

  • données actualisées et dynamiques,
  • suivi précis des parcelles,
  • alertes sanitaires,
  • messagerie,
  • services personnalisés pour les propriétaires,
  • facilitation des ventes et de la gestion,
  • articulation claire entre politiques publiques et décisions privées.

Autrement dit, le cadastre devient un outil d’action, pas une simple base fiscale.

Forêts, énergie, sols : un même besoin de modernisation

L’intérêt du reportage est d’élargir la réflexion au-delà de la forêt. Le même raisonnement vaut pour d’autres enjeux clés de la transition :

  • Cadastre solaire : identifier rapidement les potentiels, faciliter l’investissement, réduire les délais.
  • Cadastre géothermique : sécuriser les projets, mutualiser la connaissance, limiter les risques.
  • Cadastre des sols : lutter contre l’artificialisation, mieux planifier, préserver les fonctions écologiques.

Dans tous ces cas, la modernisation du cadastre n’est pas une réforme technique marginale. C’est un levier premier pour démultiplier la capacité d’action collective.

Donner envie et donner plus moyens d’agir

La transition ne réussira pas par la contrainte seule. Elle nécessite :

  • des incitations intelligentes,
  • des outils lisibles et dynamiques,
  • une réduction des frictions administratives,
  • une meilleure articulation entre intérêt général et intérêt individuel.

Un cadastre modernisé peut :

  • rassurer les investisseurs,
  • guider les particuliers,
  • aider les entreprises à orienter leurs choix,
  • permettre aux collectivités de piloter des stratégies cohérentes.

Autrement dit, il crée un environnement favorable à l’action, là où aujourd’hui beaucoup renoncent faute de clarté ou de temps.

La vraie question

La question n’est donc plus faut-il moderniser le cadastre ? Mais bien, peut-on réussir la décarbonation sans moderniser nos outils publics ? À l’évidence, non.

La transition écologique n’est pas seulement une affaire de technologies ou de comportements. C’est aussi, peut-être même avant tout, une transformation profonde de nos infrastructures informationnelles et institutionnelles. Le cadastre, s’il devient une plateforme de services au service de la transition, peut en être l’un des piliers.

Pour aller plus, Voir le reportage :Forêts privées et droit de préférence – notre cadastre est obsolète

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