Et si les projets de décarbonation devenaient une opportunité pour mieux valoriser les forêts privées françaises, en permettant (1) une meilleure substitution d’une partie des énergies fossiles par le bois (2) une plus grande séquestration carbone par les arbres, (3) la prise en compte, enfin, des services écosystémiques forestiers, et (4) une plus grande robustesse des forêts, des écosystèmes comme de nos sociétés ? Substitution, Séquestration, Services, Robustesse : ainsi se résument les inconnues de l’équation 3S+R, au centre de la série de reportages réalisés par la chaîne Transitions Actions. Plus de 40 spécialistes et acteurs de terrain ont été rencontrés durant l’été 2025, d’autres interviews sont encore en préparation. Le but ? Contribuer à qualifier les leviers encore à développer pour redonner une valeur nouvelle aux forêts, notamment privées, et pour se doter d’une stratégie à la mesure de notre besoin croissant de forêts.
Un premier reportage a permis d’expliquer pourquoi j’ai fait le choix de me concentrer sur les forêts privées. Dans ce second sujet, j’explore l’une des conditions indispensables pour mieux les valoriser, mieux les entretenir, et leur donner davantage de valeurs matérielles et immatérielles. J’étudie les coopérations et les actions collectives entre propriétaires privés, dont le développement dépend d’ailleurs, pour une large part, des politiques publiques locales.
Jouer collectif afin de rendre les forêts privées gérables !
À travers l’exemple des Associations Syndicales Libres de Gestion Forestière (ASLGF), ce reportage montre d’abord à quel point ces organisations, réunissant des propriétaires forestiers privés, sont indispensables pour rendre demain la forêt gérable. L’exemple de la Communauté d’agglomération de Tulle, en Corrèze, et de son ASLGF, illustre bien les bénéfices d’un jeu plus collectif pour chaque propriétaire :
- plus grande liberté de choisir ses itinéraires forestiers, y compris en libre évolution,
- meilleure capacité d’action et de négociation,
- nouvelles ressources pour se former et décider,
- plus grande robustesse des territoires.
Les bonnes raisons de rejoindre une organisation forestière de ce type sont légion. Il ne fait donc aucun doute qu’affronter l’avenir exigera de développer toujours plus le sens de l’action collective.
Mais comment faire davantage levier ?
Mais sommes-nous assez nombreux à en être convaincus ? Sommes-nous assez nombreux à ressentir ce désir des forêts, à comprendre que nous avons – et aurons de plus en plus – besoin des arbres et de leur bois ? Les faits prouvent que non. Entre ceux qui ne savent même plus où se trouve leur forêt, celles et ceux qui vivent trop loin d’elle, ceux qui l’ont oubliée, ceux qui ne savent pas comment s’y prendre, et ceux dont les forêts restent inaccessibles à tout engin, même léger, les forêts privées apparaissent bien comme le maillon faible de l’équation 3S+R.
L’un des principaux points d’effort consiste à trouver comment simplifier et accélérer l’engagement des propriétaires forestiers dans ces actions collectives. Les entretiens avec les ASLGF interrogées (comme avec des structures équivalentes) montrent en effet à quel point les rythmes d’adhésion des propriétaires restent lents, compliqués, aléatoires. Il faut souvent plusieurs années pour commencer à agir, et parfois seulement sur de petites surfaces qui tiennent plus de la démonstration que du véritable levier. Il est indispensable de disposer d’une ou d’un animateur de très grande qualité, sur un groupe pilote de propriétaires engagés, quai militants, et de pouvoir compter sur des relais locaux, notamment politiques, solides.
Certains territoires prouvent que c’est possible. Mais ne sont-ils pas l’exception ? À l’issue de ces dizaines d’entretiens, je reste dans le doute. Dans la situation actuelle, marquée par une réglementation complexe, un cadastre d’un autre temps et un paysage forestier fragmenté, les indispensables organisations collectives peinent encore à enclencher la révolution forestière que la situation exige. C’est sur cette impression que se termine ce second reportage. Les quatre ou cinq suivants permettront, je l’espère, d’esquisser quelques pistes.

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