J’ai la conviction que l’Etat n’a pas pris la mesure encore de ses carences législatives et organisationnelles en matière d’aménagement numérique Très Haut Débit des territoires. J’y reviendrai. J’observe en outre à travers l’histoire des réseaux que, dans ce domaine, l’initiative est d’abord locale. Ce sont aux collectivités locales et « aux acteurs locaux » de notre pays qu’il revient donc la mission de montrer la voie. Nous devrons toutefois en même temps inciter le législateur à compléter son dispositif. Les députés, ou sans doute davantage les sénateurs, ont un rôle à jouer dans ce domaine précis. Le tiendront- ils ? Attendre la réponse à cette question serait une erreur car plus nous agirons, plus la pression sur l’Etat sera forte. Dans le droit fil des textes publiés dans ce domaine par nombre d’entres nous, je propose donc d’examiner une solution qui permettrait aux installateurs de réseaux, aux opérateurs d’opérateurs et, sans doute aussi, à quelques FAI de plaques locales de gagner à la fois en performances, en responsabilité sociale et en rapports de force socio-politique. Le paysage du THD est à ce jour je crois suffisamment mature pour lancer une coopérative associant tous les « artisans » du THD.
Il y a quelques mois, j’ai eu la chance de travailler sur un sujet de recherche concernant la Fédération Française des Coopératives et Groupement d’Artisans (FFCGA). Pour rappel, la FFCGA représente le mouvement coopératif artisanal français. Elle impulse une série d’actions pour la promotion et le développement de ce mouvement. J’ai interviewé plusieurs chefs d’entreprises qui animent et utilisent ces solutions. Coopérative d’achat des professionnels de l’automobile, coopérative d’achat des artisans ruraux, Fédération française des artisans coopérateurs du bâtiment (…), les travaux alors réalisés confirmaient à la fois l’efficacité et la modernité de ces solutions.
Aussi, en réfléchissant sur les points d’efforts que les professionnels des réseaux Très haut Débit devaient encore consentir, cette solution « coopérative » m’est vite apparue comme l’une des pistes possibles pour enrichir un paysage français télécom passablement bouché. En quelques mots, il m’a donc semblé utile de lancer ou relancer cette idée esquissée d’ailleurs voici 3 ou 4 ans lors d’un projet de lancement d’un campus THD qui n’a pas été suivi.
Une coopérative en bref.
En regard d’autres formes sociétales, un GIE par exemple, les coopératives se distinguent notamment par les points suivants.
L’esprit ? Une coopérative ce sont des services apportés aux associés qui leur permettent de mieux exercer leurs activités. Groupement d’achat, partage de ressources ou matérielles ou immatérielles, logistique ou référencements mutualisés (…), dans une coopérative, le « retour sur investissement » c’est le surplus d’activités, de relations ou d’efficacité généré par les services apportés.
Le capital ? Le capital de la coopérative n’est pas un élément du pouvoir (1 homme/femme 1 voix) ; c’est un des moyens pour fonctionner. La coopérative artisanale ne rémunère d’ailleurs pas le capital : la redistribution ne se fait pas en fonction de capital détenu mais en proportion de ce que l’activité de l’artisan a généré dans la coopérative. Par exemple dans une coopérative groupement d’achats, si l’artisan a généré 2% des achats, il a 2% du résultat redistribué. On trouvera un court topo sur les coopératives ici par exemples.
La coopérative, solution pour lancer une fédération d’acteurs locaux du Très Haut Débit ?
Je le crois tant d’évidence les compétences, les ressources et mêmes les plaques locales gagneraient à être interconnectés et partagés. Bien entendu, nier les concurrences ou les antagonismes existants relèverait d’une tactique bisounoursienne stérile. Elles existent. Dans un monde du Web souvent d’ailleurs propice aux épanchements de luttes de pouvoirs et marqué par des égos forts, elles prennent d’ailleurs souvent des formes puissantes . Est-ce une exception du monde numérique ? D’évidence non. Les coiffeurs, les artisans du bâtiment, les agriculteurs, les professionnels de l’automobile l’ont fait et que je sache il y a là aussi de très fortes personnalités.
Alors, pourquoi ne pas lancer cette coopérative des installateurs et des opérateurs du Très Haut Débit en 2011 ?
Oui, bien sûr… mais dans la mesure où cette idée nous hante tous plus ou moins depuis 10 ans et que les tentatives sont aussi nombreuses que les échecs il serait sans doute nécessaire de se pencher à nouveau attentivement sur les théories du comportement coopératif (Robert Axelrod par exemple) pour ne pas faire pour la xème fois l’impasse sur les conditions sine qua non du succès : hyper-précision de l’objet de la coopération + inscription d’office dans la très longue durée + ticket d’entrée marginal + seuil critique élevé en nombre de coopérateurs (le tout posé d’entrée de jeu, ce qui n’est pas une mince affaire).
Si l’on a conscience de ces conditions, si on les respecte, si on s’applique à les remplir a priori, alors on a effectivement un vrai projet industriel entre les mains.
suis ton bonhomme… tu as l’air de savoir comment on fait… on fonce… que dois je faire ?
par ailleurs un de mes potes à la retraite dans un bled dénommé Poleymieux (1000 gaulois) du côté de Lyon vient d’impliquer la Maire du bled pour créer une webschool… (voir un billautshow là-dessus – mimine la Maire)
Une vingtaine de personnes à ce que j’ai compris suivent cette webschool… c’est le ferment idoine (y’a 2000 ans un type a fait un ramdam pas possible avec seulement 12 zigotos)…
Prochaine étape dans son bled un intranet de village (il va les convaincre par la Webschool)… pour faire des achats en commun, du covoiturage, etc…
Etape suivante : le très haut débit…
Faut-il créer une coop nationale avec des sous-coop par bled, la coop nationale apportant des services divers aux sous-coops ? Mais j’ai une crainte… le gaulois de base a du mal à se bouger le popotin – il préfére regarder sa télé 1.0.. je le vois dans mon bled… mais sait-on jamais ?
En fin d’année dernière on a organisé un atelier à la Mairie dans mon bled… 60 participants (pas mal sur 700 habitants)… J’ai proposé au Maire de créer une webschool avec des financements du CG… Pour cela il faut une délibération du Conseil Municipal… J’attends toujours… Par contre, nos braves élus suent sang et eau sur le PLU à 30 ans ? Et m’ont proposé de me piquer une partie de mon jardin pour… agrandir le cimétière…
J Michel. merci. Avant de tout lancer, je pense utile de caler cette rencontre dont on parle sur FB depuis quelques semaines pour se mettre en ordre de bataille positive.
Olivier as tu écris un truc sur cela ? Ce serait en effet bien utile que de le faire connaître
J’ai plus lu qu’écrit dans ce registre… (quoique 😉 )
Outre la lecture du bouquin d’Axelrod qui ne peut faire de mal à personne, il y a le travail déjà ancien de Jean-Michel Cornu avec ses « neuf lois de la coopération » qui s’en inspire largement et à le mérite d’approfondir les éléments clés que je citais.
A noter au passage, dans le prolongement et l’actualité de Jean-Michel Cornu, le projet Imagi:nation for People auquel participe étroitement Simon Sarazin (un ami de la Grande Maison 😉 ).
Robert AXELROD a produit une démonstration sur l’efficience (incomparable) du processus de coopération. Il y a des gens (dont je fais partie) qui travaillent depuis (1992) sur l’objet de la coopération et la règle singulière à gérer dans chaque cas afin que la coopération soit efficace. En fait, ce sont les travaux d’Elinor OSTROM (Prix Nobel d’économie 2009) qui nous permis de répondre pertinemment à la question de l’efficacité du processus de coopération.
Pour le projet de Jean-Pierre, je réaffirme ma position à La Canourgue : dans tous les cas de figures, il est plus facile (et efficace) de créer une SA ou une SARL à format libéral mais dotées d’un statut de coopérative, d’association ou de mutuelle lorsqu’on envisage un objet économique que de créer une coopérative, une association ou une mutuelle (qui ont en commun de ne pas disposer de la pleine capacité juridique).
Le statut et l’esprit coopératif sont 2 choses différentes. Cf par exemple
En étape 1, l’essentiel est de définir ce qui justifierait ou pas la coopération et de cadrer dans le dur les règles du jeu. Il sera toujours temps ensuite de choisir une forme sociétale.
Absolument
Il n’existe aucune loi dans le processus de coopération ; seulement une (des règles) dont il faut assurer la maintenance suivant l’évolution des caractéristiques de la ressources, des appropriateurs, etc … Robert AXELROD a travaillé sur le processus de coopération à partir de la théorie mathématique des jeux et montré que (même dans le cas du dilemme du prisonnier) que la coopération était toujours plus efficiente que le chacun pour soi. Au passage, il a montré que ce sont les règles de décision les plus simples qui sont aussi les plus efficientes (donc que la stratégie n’est pas l’art des décisions complexes). L’article de Garret HARDING (1976 ?) « La tragédies des biens communs » est une absurdité pratique : apparemment, c’est le seul « travail » de l’Ecole de Chicago sur le néo-institutionalisme qui ait percolé jusqu’à l’ENA et les sous-préfets des territoires ruraux en France.
Reste à montrer (en France) à quelle condition la coopération est le processus le plus efficace qu’ait découvert la vie.
Partant également, pour apporter la vision de qq qui « contraint » dans une logique NON « bisoursienne » se confronte au quotidien depuis 4 ans au cadre de définition du (très) haut débit et de l’initiative publique, en particulier en ce moment la logique infernale des SDTAN et autres SCORAN, AMI, etc …
Mais attention aux « marchands du temple » qui sous couvert de slogans qui se veulent sentir le terroir, ne cherchent qu’à surfer sur les attentes des territoires les moins bien servis … pour en tirer les bénéfices commerciaux les plus juteux !
oh que je suis en phase…
Michel,
C’est sûr que lorsque tu entends un département, voire une communauté de commune, communiquer sur sa « stratégie d’aménagement numérique », à la Carl von Clausewitz, tu attrapes quelques frissons à la moelle épinière. Vaut mieux courir aux abris, attacher fortement son portefeuille et rire des restes (comme disait ma grand-mère).
Des noms ? OK on les connait;-)
Ne pas confondre en effet Aménagement Numérique du Territoire et Aménagement Numéraire du Tiroir-caisse.